Les corbeaux dans le Kalevala

 Dans le Kalevala (l'épopée littéraire des Finnois dont nous avons beaucoup parlé l'Eté dernier), le corbeau n'occupe pas une place aussi important que l'ours que nous avions pu étudié l'an passé. Néanmoins, il est cité à plusieurs reprises...

 

- En tant que pessimiste et messager de la mort 

Le héros Lemmikainen est précipité par un ennemi dans un fleuve où il meurt et est déchiqueté. Folle de chagrin, sa mère drague le fleuve avec un râteau pour en retirer  son fils, morceau par morceau. Quand elle trouve le premier fragment, un corbeau entend ses lamentations et lui déconseille d'aller plus loin : 

"Non, un homme ne peut sortir de celui qui n'est plus, de celui qui a été si cruellement ravagé. La truite lui a dévoré les yeux, le brochet lui a rongé les épaules. Jette de nouveau ton fils dans la mer, dans le fleuve de Tuonela, peut- être y deviendra-t-il un beau morse ou une gigantesque baleine."

 

Mais contrairement à ce qu'avait annoncé le corbeau, la mère persévère et parvient à ressusciter son fils. 

La mère de Lemmikainen par Robert Wilhelm Ekman

 

Comme bien souvent, le croassement est vu comme un présage funeste. Par exemple quand le héros Sampa cherche un arbre pour se construire un bateau. Le Pin lui déconseille de l'utiliser car "Trois fois, durant cet été, le corbeau a croassé dans ma couronne, la corneille a hurlé dans mes branches". Sampa préfère donc continuer ses recherches et choisit plutôt un chêne sur lequel le Soleil a brillé et les oiseaux ont gazouillé.   

 

La mère de Lemmikainen par Akseli Gallen-Kallela

- En tant que charognard. 

Comme dans de nombreux textes symboliques, le corbeau est associé à la mort. A plusieurs reprises "les champs habités par les corbeaux" est une expression utilisée pour désigner un lieu où l'on va mourir. 

Quand le héros Tiera pressent sa fin, il gémit : "Les corbeaux planent dans l'air; ils emportent dans leurs griffes nos tristes restes, ils plongent leur bec dans nos chairs, ils s'abreuvent de notre sang chaud, ils dispersent au loin nos os sur les tas de pierres " 

- En tant que compagnon de voyage

De manière plus positive, le corbeau est cité à plusieurs reprises dans des passages qui évoquent des bateaux. 

Quand les héros ont besoin de naviguer vite pour se rendre en toute hâte quelque part, ils demandent au corbeau de lui donner deux de ses plumes pour soutenir le bateau et "attacher des ailes à ses flancs".

A un autre moment, le héros Ilmarinen mène son embarcation avec tant de rapidité qu'il est dit que "la proue chanta comme un cygne, la poupe croassa comme un corbeau". L'oiseau blanc devant et le noir derrière, l'image est jolie, non ?

- En tant que conseillère

Dans un épisode, le héros Kullervo, employé par la femme de Lemmikainen pour garder ses troupeaux, est maltraité. C'est la corneille qui lui donne des conseils de vengeance : il disperse les vaches puis les transforme en fauves.

 

- Enfin, quand le vieux Wainamoinen pleure et que ses larmes roulent au fond de la mer, il propose au corbeau de lui offrir une récompense si seulement il parvient à aller les chercher. Mais le corbeau n'y arrive pas : c'est le canard bleu qui y parvient. Il y gagne un magnifique plumage. L'insuccès du corbeau explique probablement pourquoi il a dû garder son plumage noir... 

 

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