Globalement, les bestiaires médiévaux reprennent les idées des auteurs de l'époque romaine pour décrire le corbeau... mais en accentuant ses défauts : il est montré charognard, nécrophage, glouton, vicieux, voleur et de mauvais augure. Il rôde sur les champs de bataille et près des gibets, il abandonne ses petits et ne les nourrit que lorsque les premières plumes leur apparaissent.
Son cri "cras" qui signifie "demain" en latin, fait de lui un procrastinateur qui remet toujours ses tâches à plus tard.
Manuscrit du XIIIe s. (source) |
Hildegarde de Bingen est une abbesse et guérisseuse allemande qui vivait au XIIe siècle. Dans son Livre des subtilités des créatures divines, elle écrit : "le corbeau est astucieux, audacieux, il n'a pas peur, il ne fuit ni ne craint l'homme. Si bien qu'il pourrait facilement parler avec lui et qu'il aurait le savoir-faire nécessaire pour cela, s'il n'était une bête sans raison. Et parce qu'il connaît l'homme, il dérobe souvent ce que celui-ci garde auprès de lui. Sa chair n'est pas bonne à manger pour l'homme, car il a la nature des brigands et des voleurs. Et tout ce qui est en lui ne vaut rien pour la médecine..."
On voit que si sa description commence bien, elle discrédite ensuite le corbeau : certes, il est intelligent et courageux, mais il est irraisonnable et voleur. En tant que guérisseuse, elle précise aussi qu'il n'est pas utile pour guérir...
(source) |
Dans le Bestiaire d'Amour rédigé au XIIIe s., Richard de Fournival établit des comparaisons entre les animaux et les comportements amoureux. Voilà ce qu'il dit du corbeau : "Le corbeau maltraite ses petits
corbillots , tant que leurs plumes ne sont pas
aussi noires que les siennes ; il les soigne aussitôt
qu'ils lui ressemblent en ce point. Ainsi auriez
dû faire, belle très-douce aimée. Tant que j'ai
été nu de votre amour, vous avez pu me négliger ; mais une fois que , vêtu d'amour, j'ai pu
porter un écusson de vos armes, vous auriez dû
me chérir et me nourrir en votre amour , toute nouvelle
et
toute
tendre
qu'elle
fût
encore
,
ainsi
que
l'on
nourrit
un
petit
enfant
.
Je
viens
de
parler
du
corbeau
.
On
dit
que
lorsqu'il
trouve
un
homme
mort
,
la
première chose
qu'il
attaque
ce sont
les
yeux,
puis
la cervelle,
et
plus
il
en
trouve,
plus
il
en
tire.
Ainsi
fait
l'amour
:
dès
la
première
rencontre
,
l'homme
est
pris
par
les
yeux
;
ce
qui
n'aurait
pas
lieu
s'il
ne
regardait
pas
."
Manuscrit du XIIIe s. (source) |
Le corbeau est donc montré de manière plutôt positive par cet amoureux : sa dame doit agir comme un corbeau qui aime les petits qui lui ressemblent, et l'amour touche d'abord les yeux, comme un corbeau sur un cadavre.
Suit l'avis de la Dame qui répond en ces termes :" Vous
avez
tendu
vos
lacs
pour
me
prendre,
beau
sire
maître
;
mais
je
ferai
comme
le
corbeau,
qui
néglige
ses petits
tant
qu'ils
ne
sont
pas
comme
lui
vêtus
de plumes
noires.
Nous
sommes
trop
différents
d’habit
et
de
volonté
pour
que
nous
puissions
nous
accorder
ensemble
.
Votre
comparaison
de
ce
même
corbeau
à
l'amour,
tirée
de
ce
que
le
corbeau
prend de
l'homme
les
yeux
et
la
cervelle,
n'est
pas
juste
.
On
doit
plutôt
le
comparer
à
la
haine
;
car
il
détruit ce
à quoi
l'homme
et la
femme
doivent
le
plus
tenir,
la
vue
et
l'entendement"
Manuscrit du XIIIe s. (source) |
Comme c'est étrange de comparer le corbeau et l'amour entre un homme et une femme
RépondreSupprimerAinsi donc le corbeau serait (aussi) un procrastinateur ? En quoi ? Est-ce le fait d'attendre pour nourrir ses petits ? c'est pas tout-à-fait comme ça la procrastination ...
RépondreSupprimerProbablement en tout, à en croire son cri (Cras! Cras ! Demain ! Demain!) ;-)
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