dimanche 14 août 2022

Le corbeau dans les bestiaires médiévaux

 Globalement, les bestiaires médiévaux reprennent les idées des auteurs de l'époque romaine pour décrire le corbeau... mais en accentuant ses défauts : il est montré charognard, nécrophage, glouton, vicieux, voleur et de mauvais augure. Il rôde sur les champs de bataille et près des gibets, il abandonne ses petits et ne les nourrit que lorsque les premières plumes leur apparaissent. 
Son cri "cras" qui signifie "demain" en latin, fait de lui un procrastinateur qui remet toujours ses tâches à plus tard.
 
Manuscrit du XIIIe s. (source)


Hildegarde de Bingen est une abbesse et guérisseuse allemande qui vivait au XIIe siècle. Dans son Livre des subtilités des créatures divines, elle écrit : "le corbeau est astucieux, audacieux, il n'a pas peur, il ne fuit ni ne craint l'homme. Si bien qu'il pourrait facilement parler avec lui et qu'il aurait le savoir-faire nécessaire pour cela, s'il n'était une bête sans raison. Et parce qu'il connaît l'homme, il dérobe souvent ce que celui-ci garde auprès de lui. Sa chair n'est pas bonne à manger pour l'homme, car il a la nature des brigands et des voleurs. Et tout ce qui est en lui ne vaut rien pour la médecine...
On voit que si sa description commence bien, elle discrédite ensuite le corbeau : certes, il est intelligent et courageux, mais il est irraisonnable et voleur. En tant que guérisseuse, elle précise aussi qu'il n'est pas utile pour guérir...
 
(source)

Dans le Bestiaire d'Amour rédigé au XIIIe s., Richard de Fournival établit des comparaisons entre les animaux et les comportements amoureux. Voilà ce qu'il dit du corbeau : "Le corbeau maltraite ses petits corbillots , tant que leurs plumes ne sont pas aussi noires que les siennes ; il les soigne aussitôt qu'ils lui ressemblent en ce point. Ainsi auriez dû faire, belle très-douce aimée. Tant que j'ai été nu de votre amour, vous avez pu me négliger ; mais une fois que , vêtu d'amour, j'ai pu porter un écusson de vos armes, vous auriez dû me chérir et me nourrir en votre amour , toute nouvelle et toute tendre qu'elle fût encore , ainsi que l'on nourrit un petit enfant . Je viens de parler du corbeau . On dit que lorsqu'il trouve un homme mort , la première chose qu'il attaque ce sont les yeux, puis la cervelle, et plus il en trouve, plus il en tire. Ainsi fait l'amour : dès la première rencontre , l'homme est pris par les yeux ; ce qui n'aurait pas lieu s'il ne regardait pas ."
 
Manuscrit du XIIIe s. (source)

Le corbeau est donc montré de manière plutôt positive par cet amoureux : sa dame doit agir comme un corbeau qui aime les petits qui lui ressemblent, et l'amour touche d'abord les yeux, comme un corbeau sur un cadavre.
Suit l'avis de la Dame qui répond en ces termes :" Vous avez tendu vos lacs pour me prendre, beau sire maître ; mais je ferai comme le corbeau, qui néglige ses petits tant qu'ils ne sont pas comme lui vêtus de plumes noires. Nous sommes trop différents d’habit et de volonté pour que nous puissions nous accorder ensemble . Votre comparaison de ce même corbeau à l'amour, tirée de ce que le corbeau prend de l'homme les yeux et la cervelle, n'est pas juste . On doit plutôt le comparer à la haine ; car il détruit ce à quoi l'homme et la femme doivent le plus tenir, la vue et l'entendement"  
Manuscrit du XIIIe s. (source)

 

 

3 commentaires:

  1. Comme c'est étrange de comparer le corbeau et l'amour entre un homme et une femme

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  2. Ainsi donc le corbeau serait (aussi) un procrastinateur ? En quoi ? Est-ce le fait d'attendre pour nourrir ses petits ? c'est pas tout-à-fait comme ça la procrastination ...

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    1. Probablement en tout, à en croire son cri (Cras! Cras ! Demain ! Demain!) ;-)

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