Le Corbeau de Noé

Un épisode important de la Bible où figure un corbeau est le passage du Déluge dans la Genèse. 

 

Vous savez comment Noé construisit une arche pour abriter les animaux du monde entier tandis que la pluie s'abattit sur la Terre pendant 40 jours et 40 nuits... Après cette longue période de pluie (quelle chance, on envie Noé et sa clique !), Noé lâcha deux oiseaux pour constater comment se portait le monde. Ce geste n'a rien de surprenant : les marins, durant l'Antiquité, lâchaient fréquemment des oiseaux pour arriver à se repérer et faire voile vers le rivage que les volatiles rejoignent instinctivement. Or, Noé choisit deux oiseaux chargés de sens...

 

Manuscrit du XIIIe siècle (source)

 

 

Le premier qu'il envoie est un corbeau. Malheureusement, celui-ci revient bredouille :

"Il lâcha le corbeau, qui sortit, partant et revenant, jusqu'à ce que les eaux eussent séché sur la terre." (Genèse, 8,7)

Ou pire, selon certains auteurs, il ne revient pas du tout. D'après le poète Prudence qui, au IVe siècle, mit son art au service de la religion chrétienne : "Le corbeau, retenu par sa gloutonnerie, est resté parmi les cadavres hideux"

Selon certaines légende apocryphes (= non présentes dans la Bible), Dieu a puni le corbeau car il n'a pas aidé Noé durant le Déluge : il lui a ôté son plumage blanc pour le rendre noir et l'a condamné à se nourrir de cadavres jusqu'à la fin des temps.

En gros, ce corbeau a agi comme celui d'Apollon, sauf que ce ne sont pas des figues qui ont retenu son attention.  

Manuscrit du VIe siècle (source)

Dépité par l'attitude du corbeau, Noé lâcha enfin la colombe, oiseau opposé en tout point au noir charognard. Dévouée, celle-ci revint en lui rapportant un rameau d'olivier, preuve que les eaux commençaient à se retirer. 

 

Histoire ancienne jusqu'à César par Wauchier de Denain,
manuscrit du XVe s. (source)

Cet épisode du Déluge est repris dans le Talmud de Babylone, livre saint juif compilé autour du VIe siècle. Dans ce texte, le corbeau reproche à Noé de l'avoir envoyé en premier, au péril de sa vie. Il prétend que Noé a agi ainsi car ceux de son espèce sont classés parmi les animaux "impurs" : le marin aurait préféré préserver les pures colombes en les gardant à bord. En s'en prenant à Noé, le corbeau s'en prend indirectement au Créateur : il se pose ainsi comme un animal rebelle et revendicateur. 

 

Histoire ancienne jusqu'à César par Wauchier de Denain,
manuscrit du XVe s. (source)

Quoiqu'il en soit, symboliquement, le Déluge symbolise les eaux baptismales, purificatrices. En refusant de rejoindre l'Arche, le corbeau s'éloigne volontairement de Dieu... Il emprunte le chemin d'un pécheur qui s'exile loin de l'Eglise. 

 De là, le prêtre Augustin d'Hippone, au Ve siècle, écrit :"Qui sont les corbeaux ? Ceux qui recherchent leurs propres intérêts. Qui sont les colombes ? Ceux qui recherchent les intérêts du Christ" 

 

Horae, Manuscrit du XVe s. (source)

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Pour l'anecdote, avant le Déluge biblique, les Mésopotamiens avaient décrits un déluge dans l'Epopée de Gilgamesh (XVIIe s. av. JC). Dans ce mythe, Gilgamesh aussi lance un corbeau pour savoir si les eaux se sont retirées : comme l'oiseau ne revient pas, il en conclut qu'il a trouvé un endroit où se poser. 

On voit ici comment le symbole païen du corbeau-devin a été renversé par la chrétienté !