Le corbeau dans les fables (2)

 Par rapport à Esope, Jean de La Fontaine (XVIIe s.) donne assez peu de place aux corvidés dans ses fables. On en compte principalement trois qui mettent en scène un corbeau :

 

- La première, vous la connaissez : c'est Le Corbeau et le Renard. Le corbeau y est montré laid, disharmonieux, stupide, vaniteux et crédule. Il est trompé par le Renard car celui-ci vante son beau plumage et son beau ramage, deux "beautés" factices puisque (selon les critères de La Fontaine) le corbeau n'est ni joli ni bon chanteur. Il réfléchit après coup et tire les conclusions "un peu tard". 

 

(source)

- Le Corbeau voulant imiter l'Aigle : cette fable reprend celle d'Esope, le Choucas et l'Aigle. Un Corbeau veut capturer un mouton, de même que vient de le faire un aigle, mais ne peut le soulever... d'une part car il est trop lourd, d'autre part car ses serres s'emmêlent dans la laine. Il est capturé par le berger qui le donne à ses enfants pour les amuser.  

Ici, le corbeau est donc à la fois sot, glouton, voleur et orgueilleux : il croit avoir autant de force que l'Aigle, le roi des oiseaux. Par ailleurs, il est impie car il veut voler le mouton le plus gras, celui qu'on a réservé pour sacrifier aux Dieux. En outre, on trouve une allusion à la fable précédente : "La moutonnière créature / Pesait plus qu'un fromage". Autrement dit : s'il a pu soulever un fromage, il n'a pas pu enlever le mouton. 

Illustration de Benjamin Rabier

 

- Le Corbeau, la Gazelle la Tortue et le Rat : ces quatre animaux décident de vivre en communauté, loin de tous et cachés. Mais voilà qu'un homme découvre la Gazelle qui tombe dans un piège. Le Corbeau, en survolant leur territoire, voit qu'elle est prisonnière et avertit les autres qui accourent pour la sauver. Ils parviennent à la libérer mais la Tortue, venue alors qu'on lui avait demandé de garder la maison, ne peut fuir assez vite quand le chasseur arrive et se fait capturer à la place de la Gazelle. 

Ici, La Fontaine traite un peu mieux le Corbeau que précédemment : le corbeau sert de guide et de sentinelle, il est même dit qu'il a "trop de jugement", ce qui montre qu'il est avisé. 

 

Illustration de J.B Oudry

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Pour finir, je vais vous parler de quelques fables écrites par d'autres fabulistes :

 

- Le Corbeau et le Faucon par Jean Houdard de La Motte (XVIIIe s.) : Un corbeau affamé vole en cherchant de quoi manger. Il aperçoit un vieux faucon qui est nourri par un petit. Il pense donc qu'il vaut mieux rester dans son nid à attendre que la Providence envoie quelqu'un pour nous nourrir, plutôt que travailler toute la journée pour avoir, au final, presque rien à manger... mais personne ne vient chez le Corbeau et il finit par mourir de faiblesse. 

Le corbeau passe ici pour un profiteur qui veut s'en remettre à la Providence et gagner beaucoup sans le mériter d'aucune sorte. 

 

Illustration de Claude Gillot

- Le Corbeau et le Geai par Jean-Pierre Claris de Florian (XVIIIe s) : Des gens possèdent chez eux deux oiseaux, un Corbeau et un Geai. Tout le monde aime le Geai qui est beau et chante merveilleusement bien. En revanche, le Corbeau est une plaie : il fait du bazar et crie sans cesse pour réclamer à manger, à boire, etc... On s'affaire donc autour du Corbeau alors que le discret Geai qui ne demande rien est oubliée. Le Geai finit par mourir d'être ainsi délaissé : les gens le plaigne car c'était vraiment un bel oiseau... et ils continuent de s'affairer pour faire taire le Corbeau tapageur. 

Là encore, le corbeau n'est pas dépeint sous son meilleur jour !

 

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Comme vous avez pu le constater, depuis Esope, l'image du corbeau s'est bien dégradé dans les fables. Alors qu'il était rusé, réfléchi et porte-parole des Dieux, il représente désormais la sottise, la laideur, le vol, l'impiété et l'orgueil. On voit que le Moyen Âge est passé par là, avec tous ses préjugés maléfiques sur cet oiseau noir