Le lièvre et le lapin sont associés à certaines croyances plus ou moins positives, comme vous avez pu le découvrir depuis le début de l'Eté.
Eh oui ! Voilà une bête qui a peur de tout... mais qui fait peur aussi ! De quoi devenir cunicolophobe ! 😱
Nous avons déjà vu que croiser la route d'un tel animal pouvait être interprété comme un présage... souvent mauvais.
Lièvre qui court : signe d'incendie.
Un vieux lièvre vu par une femme enceinte ? Son bébé aura un bec de lièvre.
Un lièvre blanc sur un port de Cornouailles ? Avertissement de tempête en mer.
Autant de raisons qui, selon le folklore britannique, doivent vous inciter à psalmodier ce contre-sort si vous croisez sa route : "Lièvre devant, malheur derrière ; Change-toi, Sainte Croix, et libère-moi"
Dans la culture anglo-saxonne, contrairement à la chasse à courre du renard considérée comme noble, celle du lièvre est jugée ignoble parce que l’animal porte malheur.
Bien entendu, il s'agit toujours d'une croyance en lien avec les lièvres-sorcières. Dans certaines régions, venu le mois de Mai, on tuait le plus possible de ces animaux pour éliminer autant de sorcières.
Une superstition que vous connaissez sûrement : il est interdit de prononcer le mot "lièvre" ou "lapin" sur un bateau. Cette règle serait en vigueur depuis le jour où des marins inconscients avaient emportés des lapins avec eux pour le voyage en mer. Les animaux proliférèrent et eurent besoin de se nourrir : ils se mirent à manger tout ce qui leur tombait sous la dent, c'est-à-dire non seulement les vivres mais aussi les cordages, le bois, les toiles... tout ! Jusqu'à causer le naufrage du bâtiment... Depuis, voir un lapin sur un port ou, pire, sur son bateau, est un grand malheur. Cette superstition rappelle celle liée aux rats sur les navires. Elle a probablement été exacerbée par le côté "diablotin" du lapin, à cause de ses longues oreilles... D'ailleurs, c'est ainsi qu'on doit le nommer "animal aux grandes oreilles" ou "langoustine des prés" voire de "pollop" (un mot breton qu'on utilise pour ne pas nommer un tabou) ou de "zebro" (peut-être à partir encore du verbe breton debriñ, qui mute en zebriñ et signifie "ronger". Ainsi zebro = "(il) rongera". Mais ce n'est qu'une suggestion de ma part).
Cette superstition se retrouve dans le monde du théâtre. La raison en est toute bête : les anciens charpentiers de navires et autres vieux loups de mer s'engageaient au théâtre pour devenir machinistes et monteurs de décors. Ils ont donc transposés leurs croyances dans le monde du théâtre.
Cette idée que le nom du lapin ou du lièvre porterait malheur se retrouve avec d'autres animaux (vous vous souvenez peut-être du cas de l'ours)... et elle se retrouve aussi dans d'autres contextes. Vous vous souvenez de la poésie anglaise sur les noms du lièvre ? Ne pas le nommer, c'est se donner une chance de l'attraper.
De même, sur l'île de Portland au Royaume-Uni, on dit que le lapin porte malheur et même les îliens les plus âgés redoutent de prononcer son nom. Cette réticence remonte aux premiers temps de l'industrie locale des carrières où (pour économiser de l'espace) les pierres extraites qui n'étaient pas propres à la vente étaient entassées en de hauts murs instables. La tendance des lapins à s'y enfouir affaiblissait les murs : leur effondrement entraînaient des blessures, voire la mort. Ainsi, invoquer le nom du coupable devenait un acte de malchance à éviter. Outre le qualificatif de "longues oreilles", on le surnomme aussi "mouton souterrain", pour ne pas risquer de causer un effondrement.
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A l'opposé, lapin et lièvre peuvent porter bonheur.
Cet animal étant, comme vous le savez, réputé pour sa fécondité, et la fécondité étant un symbole de prospérité, il est bon de s'approprier ses vertus. Ainsi, en portant un talisman ou une amulette en patte de lapin, on s'assure de la chance.
Carte postale "Bonne chance" de 1907 |
Vieille pub pour commander sa patte de lapin porte-bonheur |
De même, dans la culture bachkire (peuple de Russie), on cousait des oreilles ou des queues de lièvre sur le chapeau des enfants comme des amulettes contre le mauvais œil.
Une tradition des pays anglo-saxons consiste aussi à répéter trois fois le mot lapin au réveil le premier jour du mois. Attention, il faut que cette incantation "rabbit, rabbit, rabbit" soit la première chose que vous disiez en vous levant. Dans ce cas, vous serez assuré d'avoir de la chance tout au long du mois. Cette formule fonctionne encore mieux si la veille, avant de vous coucher, vous aviez dit "hare" (lièvre) en guise de dernier mot.
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Par ailleurs, nous avons pu voir cet Eté que lièvre et lapin ont depuis toujours constitués un aliment controversé. En effet, les léporidés ont été frappés de divers tabous alimentaires.
Vous vous souvenez que déjà durant l'Antiquité, Jules César écrivait à propos des Gaulois (celtes) : "Les Bretons regardent comme défendu de manger du lièvre, de la poule ou de l'oie".
Dans les Propos de Table (Ier s.), Plutarque explique que les Juifs n'en mangent pas non plus... Soit parce qu'ils le considèrent comme "un animal pollué et impur", soit "à cause de sa similitude avec l'âne , celui des animaux qu'ils révèrent le plus. Et de fait, à part la grandeur et la rapidité, le lièvre ressemble beaucoup à l'âne. La couleur, les oreilles, le brillant des yeux, les habitudes lascives, établissent entre eux une analogie étonnante : de sorte qu'il n'est point d'animaux, du petit au grand, qui se ressemblent davantage" Ou bien, troisième hypothèse avancée par l'auteur, c'est parce que les Juifs regardent "comme un attribut divin la rapidité du dernier de ces animaux et la perfection de ses sens" (bonne ouïe et bonne vue)
En 751, le Pape Zacharie défend aux Chrétiens de manger du lièvre et ce tabou alimentaire, s'il n'est pas vraiment respecté comme nous avons pu le voir, perdure au Moyen Âge. Le lièvre est vu comme lubrique : en manger, c'est être comme lui (sans parler du danger de transmettre aux enfants à naître un bec-de-lièvre)... pire (à l'époque) on risquait même de devenir homosexuel !
Cette interdiction est rapidement levée, vers le IXe siècle, sauf en Russie où elle perdure jusqu'au XVIIIe siècle !
Les Anglo-saxons disaient aussi que manger de la viande de lièvre donnait de la mélancolie.
Il subsiste aussi des réminiscences des femmes ou des fées (et pas forcément des sorcières) qui se transformaient en lièvre. Ainsi, dans le Kerry, en Irlande, les gens ne mangent pas de lièvre car ils pensent que ces animaux contiennent l'âme de leur grand-mère
Si cette question des tabous alimentaires vous intéresse, vous pouvez lire ce document et écouter cette émission.
Toutes ces superstitions sont vraiment contradictoires. Langoustines des prés : je ne vois pas le rapport 😃. Bravo pour tes recherches, tu en trouves même sur la radio 👍 c'était interressant, j'avoue ne pas l'avoir écouté en entier😕
RépondreSupprimerJ'imagine que la langoustine... Bah c'est un animal commun des marins... Et il fallait bien trouver un élément de comparaison 😃 Après tout, il y a bien des "loups de mer" !
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