Au Japon, deux légendes liées à un lièvre sont nées dans l'ancienne province d'Inaba (aujourd'hui Totori).
1ère histoire : Amaterasu et le lièvre
Il y a bien longtemps, la déesse du Soleil Amaterasu voyageait dans la province d'Inaba et recherchait un lieu pour installer une retraite provisoire. Soudain, un lièvre blanc apparut et attrapa un pan de son vêtement entre ses dents. Il la conduisit jusqu'à un point abrité entre deux montagnes, près de la mer, parfait pour bâtir un palais de villégiature.
Aujourd'hui, ce lieu est celui du sanctuaire Hakuto-Jinja. où on révère les lièvres blancs.
Illustration d'Anastasia Izlesou pour le livre Leap, hare, leap de Dom Conlon |
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2ème histoire : Ōkuninushi et le lièvre nu
La deuxième légende met en scène Ōkuninushi, un kami (i.e. une divinité vénérée dans la religion shintoïste), et plus précisément le kami de l'agriculture, de la médecine et de la fécondité. Sa légende est transcrite dans le Kojiki, un livre de contes et de mythes japonais datant du VIIIe s.
Ōkuninushi est le dernier garçon d'une grande fratrie : il a 80 frères plus âgés. Un jour, la princesse Yakami d'Inaba fit savoir qu'elle recherchait un époux. Tous les frères se mirent en route pour lui demander sa main. Ōkuninushi fut du voyage lui aussi, même si ses aînés ne voyaient pas d'un bon œil sa venue. Ils lui donnèrent tous leurs bagages à porter, de sorte qu'Ōkuninushi, chargé, traînait derrière eux alors qu'ils avançaient rapidement en toute légèreté. Les 80 frères trouvèrent sur leur chemin un lièvre tout nu : sa fourrure était arrachée et sa peau à vif. L'animal était bien mal en point, mais comme les frères étaient mesquins, ils lui conseillèrent de se baigner dans l'eau de mer et de se sécher au vent pour se sentir mieux. Bien entendu, ce remède ne soigna pas vraiment le pauvre lièvre !
Illustration d'un livre anglais de 1892 |
Illustration d'un livre anglais de 1892 |
Celui-ci raconta qu'il avait voulu visiter la région mais il ne pouvait franchir la mer entre les îles d'Oki et la Côte d'Hakuto (dans la région d'Inaba). C'est alors que le lièvre remarqua des wanizame (des dragons d'eau, des crocodiles ou des requins) et inventa une ruse : il prétendit que les lièvres étaient plus nombreux que les wanizame et que si ceux-ci ne le croyait pas, l'oreillard se ferait un plaisir de les compter pour vérifier.
Illustration d'un livre anglais de 1892 |
Un peu vexés de se savoir en sous-effectif, les wanizame se mirent en rang le long de la mer. Le rusé sauta de dos en dos en feignant de les compter : en vérité, il en profitait pour traverser sans se mouiller.
Illustration d'un livre anglais de 1892 |
Illustration de Kureha Rokuro (1943) |
Quand il arriva à la Côte d'Hakuto, satisfait de lui-même, le malin se moqua des wanizame qui étaient tombés dans son traquenard. Furieux, le dernier wanizame parvint à l'attraper et à lui arracher la peau avant que le lièvre ne s'échappe...
Illustration d'un livre anglais de 1892 |
Quand Ōkuninushi entendit cette histoire, il eut de la peine pour le lièvre. Il conduisit le blessé jusqu'à une source d'eau claire pour qu'il y baigne ses blessures et lui conseilla de se rouler dans le pollen cotonneux des massettes qui poussaient là.
Illustration d'un livre anglais de 1892 |
Pour le remercier de sa bonté et de ses bons conseils, le lièvre lui promit qu'aucun de ses frères n'obtiendrait la main de la Princesse Yakami : c'est Ōkuninushi qui l'épouserait.
Si vous en avez le temps (une petite dizaine de minutes) je vous propose de regarder ce dessin-animé japonais réalisé par Mitsuyo Seo en 1935. Cette vidéo est disponible sur Wikimedia, mais je vous ai ajouter des sous-titre français si besoin (même si elle reste compréhensible sans 😉)
Dans ce dessin-animé, de même que dans certaines versions de la légende, le lièvre doit sauter sur le dos des crocodiles suite à une tempête (ou une inondation), et non par désir de voyage. Par ailleurs, ça se termine plutôt mal pour lui : sans fourrure, il est rejeté par les siens et aucun héros ne lui vient en aide...
Remarquez que les dessins ressemblent beaucoup à ceux de Disney à la même époque.
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Vous noterez que ce mythe reprend des symboles forts liés au lièvre : la fécondité (via la figure d'Ōkuninushi) et l'amour (le mariage d'Ōkuninushi avec la princesse, grâce à l'intervention magique du lièvre), la ruse (qu'on retrouve dans le lièvre d'Afrique par exemple), la renaissance (puisque le lièvre fait peau neuve).
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En raison de ces deux légendes, on révère les lièvres blancs au sanctuaire Hakuto-Jinja, sur la côte d'Hakuto.
Entrée du sanctuaire d'Hakuto (source) |
Photo d'Audrey Bourdin Les cailloux blancs aux pieds des statues de lièvre sont autant de voeux formulés par les fidèles. le lièvre d'Inaba est surtout réputé pour guérir les maladies de peau et apporte son aide en amour |
Photo d'Audrey Bourdin Ici le mur des voeux du sanctuaire |
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