mercredi 27 septembre 2023

Léporidés pas comme les autres

 Nous avons beaucoup parlé de lièvres plus ou moins "ordinaires" cet Eté. Pour finir, je vous propose de découvrir quelques créatures fantastiques venues de tous les horizons.
Dans les histoires naturelles, dans le folklore ou dans les récits, on a pu voir ou entendre la description de lapins extravagants... Bienvenue dans le petit cabinet de curiosité des léporidés !

1/ Le lapin à capuchon
Commençons par le lapin à capuchon (ou "hooded rabbit" en anglais). Ce lapin, selon les descriptions, possède une sorte de poche dorsale où il peut ranger ses oreilles et même sa tête. Des petits trous permettent de laisser passer la lumière : ainsi le lapin peut jeter des coups d'oeil au dehors sans avoir à sortir la tête. Une autre poche ventrale lui permet de ranger ses pattes palmées. Heu, on nous parle d'un lapin ou d'une tortue, là ?
 
Description du "hooded rabbit" dans An universal system of natural history d'Ebenezer Sibly (1794)

Gravure pour ce même livre

 
Et voilà le lapin replié ! (gravure de John Pass, 1813)

2/ Al-Mi'raj, le lapin-licorne
Ce lapin est mentionné notamment dans les manuscrits islamiques médiévaux : il s'agit d'un lapin jaune doté d'une corne noire. Tous les animaux sauvages fuient devant lui.  Il serait très grand et aurait un appétit énorme. Les habitants d'une prénommée "Île au Serpent/Dragon", dans l'Océan Indien, en aurait offert un à Alexandre le Grand après qu'il ait tué le dragon qui dévorait leur bétail.

Manuscrit du XIIIe s.
 
Les Merveilles de la création par 'Al-Qazwînî, manuscrit du XIIIe s.
 
Cette croyance en un lapin-licorne a pu apparaître et rester vivace quand on voyait des lapins qui n'avaient qu'une seule oreille.
 
3/Lepus cornutus 
Un lièvre cornu avec deux cornes cette fois
Il est décrit dans les ouvrages de sciences naturelles depuis au moins le XVIe s. Il en existe de nombreuses variantes :
 
Gravure du XVIe siècle où on voit, au centre, un lapin cornu (et en haut une sorte de lapin-écureuil)

Au pied du tableau de la Vierge à l'Enfant par Jan Brueghel (XVIIe s.), on aperçoit un lièvre cornu

Détail


 a) Le Wolpertinger / Oibadrischl/Rammeschucksn /Raurackl  (selon la région). Animal des Alpes bavaroises qu'on connaît depuis le XVIe s. De la taille d'un lièvre, il porte des bois de cerf, des ailes (de canard ou de faisan), des crocs de renard et une crête de coq. Attention : il se repaît de touristes égarés... 

Un Wolpertinger "fabriqué" à partir de la peinture du Lièvre de Dürer (XVIe s.)


b) Le Jackalope (ou Lepus antilocapra), mélange de lièvre américain (jackrabbit) et d'antilope. Parfois aussi surnommé Buckjeuve (Cerf-lapin) ou Horny Bunny (Lapin Cornu), cet animal est un mélange de cerf et de lièvre répandu en Amérique. Très farouche, il est difficile à voir. En revanche, on peut l'entendre : les cow-boys qui chantaient jadis autour du feu percevaient parfois une voix qui répétait les paroles entonnées... c'est que le jackalope sait imiter la voix humaine !


c)Le rasselbock : Un lièvre avec des petites cornes et des grandes dents, qui vit en Allemagne.


Différents lapins cornus par Camille Renversade

Regardez la planche ci-dessus. Au-dessus, une image est décrite comme "Lièvres à cornes multiples, sans doute des faux fabriqués par un taxidermiste". L'artiste est ironique, ici. En réalité, il se pourrait bien que les lièvres cornus aient été inspirés par une maladie : un papillomavirus qui provoque des excroissances sur les crânes des lapins touchés. Quant aux lièvres empaillés qui portent "véritablement" des cornes de cerfs sur les trophées , il s'agit, au contraire de canulards et chimères taxidermistes.

4) Un lapin ailé : le Lagopus
Vous vous souvenez du Tsufulin ? Voilà un de ses voisins, le Lagopus, dont parle l'écrivain romain Pline dans son Histoire naturelle au Ier siècle. Il dit que le Lagopus (="pied de lièvre"), qui vit dans les contrées d'Europe du Nord, s'appelle ainsi car il a les pattes poilues comme celles d'un lièvre et non couvertes de duvet. A partir de ce nom, les lecteurs médiévaux ont pensé que Pline ne parlait pas du lagopède (qui est bel et bien un oiseau), mais bien d'une sorte d'oiseau-lapin.

Gravure pour une version imprimée allemande du livre de Pline au XVIe s.


 
5) Autre lapin ailé : le Skavder
On pourrait traduire le nom de cet animal par Charlatras, mélange de "charlatant" (skvattra en suédois)  et "tétras" (tjäder en suédois). Le seul à avoir réussi à chasser cette créature à corps de lièvre, ailes et queue de tétras est le Suédois Håkan Dahlmark. Pour le féliciter, ses amis lui en ont offert une version naturalisée par  le taxidermiste Rudolf Granberg en 1907.
 
Skvader de Rudolf Granberg

6) Le lièvre à 8 pattes
Ce lièvre est décrit dès le XVIIe s., selon certaines sources il vivrait dans la forêt de Rambouillet. Il n'a pas 8 pattes d'araignées : 4 sont placées normalement, sous le ventre... et 4 sont situées sur le dos ! En outre, selon certaines description, il a aussi 4 oreilles au lieu de 2, et parfois 2 corps au lieu d'un seul. Un lièvre siamois ?
 
Représentation dans le Traité sur les Monstres de Licetti (XVIe s.)
 
Par ailleurs, dans le roman Aventures du baron de Münchhausen (1785) qui narre les exploits d'un officier allemand fanfaron, celui-ci se targue d'avoir un jour chassé un tel lièvre : 
"Je m’acharnais depuis deux jours à la poursuite d’un lièvre. Ma chienne le ramenait toujours et je ne parvenais jamais à le tirer. Je ne crois pas à la sorcellerie, j’ai vu trop de choses extraordinaires pour cela, mais j’avoue que je perdais mon latin avec ce maudit lièvre. Enfin je l’atteignis si près que je le touchais du bout de mon fusil : il culbuta, et que pensez-vous, messieurs, que je trouvai ? — Mon lièvre avait quatre pattes au ventre et quatre autres sur le dos. Lorsque les deux paires de dessous étaient fatiguées, il se retournait comme un nageur habile qui fait alternativement la coupe et la planche, et il repartait de plus belle avec ses deux paires fraîches."
 
Avoir 8 pattes au lieu de 4 permet donc au lièvre de courir deux fois plus vite ! 


Le lièvre à 8 pattes du Baron dans un dessin-animé de 1978


 
5)Ipès : une drôle de effrayante chimère
Voici maintenant un démon, ainsi décrit dans le Dictionnaire Infernal de Collin de Plancy au XIXe s :
Prince et comte de l’enfer ; il apparaît sous la forme d’un ange, quelquefois sous celle d’un lion, avec la tête et les pattes d’une oie et une queue de lièvre, ce qui est un peu court ; il connaît le passé et l’avenir, donne du génie et de l’audace aux hommes, et commande trente-six légions.


6) Lapondin : mariage de la carpe et du lapin
Evidemment, les manuscrits médiévaux abondent de lapins chimériques : ici un lapin-sirène... ou lapondin


8/ Énorme terreur des potagers : le lapin-garou
Variante du loup-garou, ce lapin monstrueux qui se manifeste à la lueur de la Lune est très redouté par les jardiniers : il dévaste les potagers et dévore tous les légumes, même les mieux protégés. 
Les célèbres inventeurs Wallace et Gromit sont connus pour l'avoir affronté.



9) Le Goublin
Le Goublin, variante du Gobelin, lutin farceur de la maison plus ou moins maléfique, apparaît sous les traits d'un lièvre au Val-Ferrant en Normandie. Il venait se chauffer près du feu quand on mettait à cuire des patates sous la cendre ou qu'on faisait cuire de la viande dans l'âtre. Quand on confectionnait le pain, il ne fallait pas oublier de lui laisser une galette dehors si on ne voulait pas subir 15 jours de raffut en représailles. 
Le Goublin est représenté avec de grandes oreilles, mi-lapin, mi-chat, dans la série Runes.
 



10) Trop mignon : le Cabbit
Et voici maintenant le très choupinou cabbit, moitié chat (cat), moitié lapin (rabbit). Un hybride intéressant, animal de compagnie de demain, déjà très en vogue (mais hors de prix pour le moment).
 
(source)
 
Tout comme le lapin et le chat, le cabbit est très propre. Il saute deux fois plus haut qu'un chat ordinaire, ce qui n'est pas rien ! Son ouïe est très développé. Son côté chat lui a donné du courage : il ne fuit plus pour un rien. Il dort perché dans les arbres, à moins qu'il préfère s'aménager un petit terrier sous une couette. Il se nourrit à la fois de souris, de trèfles et de carottes. En revanche, j'ignore s'il sait ronronner.


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