vendredi 29 juillet 2022

Hrafnsmerki : la bannière au corbeau

 Le corbeau était tellement chargé de sens pour les norrois qu'ils pouvaient arborer un type d'étendard particulier : la hrafnsmerki ou bannière au corbeau. Utilisée par les chefs, elle était de forme plus ou moins triangulaire avec un côté arrondi et arborait en son centre un corbeau. Elle pouvait être pliée de telle manière qu'on avait l'impression que l'oiseau battait des ailes quand elle flottait dans le vent
 

 Bannière au corbeau dessinée d'après une pièce de monnaie du Xe siècle :
 

Par exemple, Ragnar Lodbrok (un roi qui aurait vécu entre le VIIIe et le XIXe siècle au Danemark et en Suède et est connu pour avoir envahi la Northumbrie en Grande Bretagne), exhibait une telle bannière. Ainsi, on peut lire dans les Annales de St Neots du XIIe siècle : "les filles de Ragnar Loðbrok, avaient tissé cette bannière et l'avaient préparée pendant une seule heure de midi. De plus, il est dit que s'ils devaient gagner une bataille dans laquelle ils suivaient cette bannière, on devait voir, au centre de la bannière, un corbeau battant gaiement des ailes. Mais s'ils devaient être vaincus, le corbeau tombait immobile. Et cela s'est toujours avéré vrai

Cette bannière revêt donc un aspect magique, totémique, et prophétique. En tout cas on dit souvent qu'elle a été tissée à l'aide de sortillèges pour la rendre plus puissante. C'est notamment le cas pour la hrafnsmerki de Sigurd Hlodvirsson (dit Sigurd le Gros, Jarl du XIe s.) qui possédait une bannière au corbeau ensorcelée par sa mère et qui lui apportait la victoire. Mais la völva (ladite mère sorcière) avait posé des conditions : ce drapeau apportait la victoire s'il était porté devant soi (par quelqu'un d'autre probablement), mais il apportait la mort à celui-là même qui le portait. Autrement dit, mieux valait ne pas être le porte-étendard ! Dans la Saga des Orcadiens (écrite au XIIe siècle), c'est ainsi que Sigurd trouve la mort : sur le champ de bataille, il ramasse sa bannière qui est déjà tombé deux fois... et est aussitôt transpercé par une flèche. 
 
(source)


Autre exemple : Dans l'Encomium Emmae écrite au XIe siècle, on parle de Knut le Grand (roi du Danemark, d'Angleterre et de Suède au XIe siècle), qui possédait une bannière en soie sur laquelle apparaissait parfois, comme par magie, un corbeau (il était peut-être obtenu en fonction d'un certain pliage du drapeau) : "Cette bannière a été tissée de la soie la plus propre et la plus blanche et aucune image de personnages n'a été trouvée dessus. En cas de guerre, cependant, un corbeau était toujours visible, comme s'il y était tissé. Si les Danois allaient gagner la bataille, le corbeau apparaissait, le bec grand ouvert, battant des ailes et agité sur ses pattes. S'ils devaient être vaincus, le corbeau ne bougeait pas du tout et ses membres pendaient immobiles"
 
La bannière au corbeau semble apparaître à deux endroits de la Tapisserie de Bayeux (XIe s.) : ci-dessus elle est fièrement brandie...
... et ci dessous, elle est brisée aux sabots du cheval.  
 

 

3 commentaires:

  1. j'ai vu la tapisserie de Bayeux, je suis même passée deux fois pour voir certains détails, celui des corbeaux sur les bannières ne m'a pas frappé. Être porte étendard à cette époque n'était pas une fierté pas comme pour les sportifs ou militaires de nos jours

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    1. Au contraire, c'était une grande fierté. On ne confiait pas la bannière au premier fantassin venu ! Porter l'étendard, c'est représenter son chef/ son clan/ sa patrie. On meurt, certes, mais on meurt en héros : c'est à cette condition seule qu'on atteint le Walhalla (le paradis des guerriers)

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  2. oui, c'est sûr qu'il fallait choisir son poste....Magique l'histoire de cette bannière.

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