mardi 26 juillet 2022

Corbeaux et vikings (1)

  Le corbeau occupe une place importante dans la culture nordique, que ce soit dans la mythologie ou dans la vie quotidienne. 

 
Pour les vikings, le corbeau était connu pour son aspect charognard. Dans les poésies scaldiques (type  de poésie scandinave du Moyen Âge), les poètes utilisent une figure de style toute particulière : le kenning. Il s'agit de remplacer un mot par une périphrase métaphorique. Le corbeau qui se repaît de sang (de même que le loup), est un kenning fréquemment utilisé pour désigner une bataille meurtrière. 
Par exemple "le nourrisseur des corbeaux" ou "la faim des corbeaux" sont des kenning employé pour dire "guerrier" (=celui qui donne à manger aux corbeaux en laissant des corps derrière lui). "Rassasier les corbeaux" signifie qu'on vient de tuer quelqu'un ou de faire une bataille sanguinaire. "la récolte des corbeaux" désigne un cadavre. 
Parallèlement, "la sterne de la bataille", "le faucon de la walkyrie", "celui qui choisit les morts" sont employés pour désigner un corbeau... 
Jusque là, tout va bien : il est facile de reconnaître qui se cacher derrière les périphrase. Mais parfois, les kennings sont bien plus complexes et il faut les décortiquer ! Par exemple, voilà une autre expression qui désigne le corbeau : "le cygne de la sueur des épées". Ici, il faut comprendre : "la sueur des épées" = le liquide qui cause une épée = le sang. Quel oiseau se repaît de sang ? le corbeau. Le corbeau est donc métaphorisé par un cygne (alors que leur plumage les opposent) car il est l'oiseau le mieux placé pour boire "la sueur des épées"... ! Vous voyez un peu ces labyrinthes langagiers ?
 
Ornement viking du IXe s. représentant un corbeau

Par ailleurs, les corbeaux sont vus comme des oiseaux psychopompes, qui établissent un lien entre le monde des vivants et celui des morts. Les vikings pensaient que, sur un champ de bataille, les corbeaux se posaient sur les cadavres des braves pour choisir ceux qui iraient au Walhalla (sorte de paradis des guerriers). Les Walkyries, ces divinités guerrières, occupaient la même fonction (nous verrons dans un prochain article comment corbeau et walkyrie ont pu être associés). Ainsi, dans Beowulf (poème anglo-saxon composé entre le VIIe et le Xe siècle), on peut lire : "Le son de la harpe n’éveillera plus les guerriers morts, mais le corbeau noir et avide prendra son copieux repas et dira à l’aigle qu’il a fait un grand festin pendant qu’il dévorait les cadavres avec le loup."
 
Stèle viking suédoise sur laquelle on voit des corbeaux sur un champ de bataille
(source)

1 commentaire:

  1. effectivement, ce sont bien des labyrinthes langagiers. C'est un peu glauque le rapport corbeaux/vikings...

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