Dans
la culture gréco-romaine, la divination par les oiseaux (dite
ornithomancie ou auspice) occupait une grande place. On observait le vol
de certains oiseaux pour prédire l'avenir ou arrêter un choix.
Dans la comédie Les Oiseaux (Ve s. av. J.C), Aristophane fait ainsi dire aux oiseaux :
"N’est-il pas évident que nous sommes pour vous un prophétique Apollon ?
Si donc vous nous croyez des dieux, vous pouvez user de nous comme de Muses prophétiques, brises, saisons, hiver, été, moyenne chaleur : nous n’irons pas nous asseoir là-haut majestueusement, au milieu des nuages, comme Zeus ; mais, présents, nous vous donnerons à vous-mêmes, à vos enfants et aux enfants de vos enfants, richesse, bonheur, santé, paix, jeunesse, rire, chœurs de danse, festins, et le lait des oiseaux : si bien que vous serez écrasés sous les biens, tant vous serez riches tous."
Bien qu'il s'agisse d'une comédie, on voit dans ce passage que les oiseaux, au contraire des Dieux, peuvent fournir un moyen de divination "concret" (on voit des oiseaux tous les jours, au contraire des Dieux). Ainsi, dans cette pièce de théâtre antique, les oiseaux bâtissent une cité : Nephélococcygie (qu'on traduit par "Coucouville-les-Nuées"). Ils exigent des Hommes qu'il leur offre des sacrifices plutôt qu'aux Dieux. Ces derniers, contrariés car plus personne ne les honore, finissent par aller voir les oiseaux. C'est ainsi qu'ils décident de s'allier ensemble (Aristophane décrit peut-être, de manière humoristique, les prémices de l'ornithomancie) : "Si quelqu’un jure par le corbeau et par Zeus, le corbeau volera furtivement sur le parjure et lui crèvera l’œil à coups de bec."
Or, les corvidés font partis des "oiônoi" c'est à dire les "oiseaux à présages".
Il existait même des devins spécialisés dans les corbeaux : les
korakomanteis (de "korax" = corbeau et "manteia" = divination). Ce n'est pas pour rien si, de manière parodiée, la comédie d'Aristophane s'ouvre sur la scène de deux voyageurs égarés qui essaient de suivre les directions indiquées par une corneille (mais la corneille est une arnaque : elle cherche surtout à les pincer, voilà pourquoi ils sont perdus!).
De manière plus sérieuse, un auteur du IVe siècle, Théon d'Alexandrie, aurait même écrit un Traité à ce propos (aujourd'hui disparu) : Des signes et de l'observation des oiseaux et de la voix des corbeaux.
En
raison de sa capacité à moduler sa voix, le corbeau a été vu comme un
animal prophétique.
Par exemple : selon les Anciens, il pouvait prendre
des intonations différentes quand il jouait ou discutait avec les siens,
puis employer un ton solennel quand les Dieux parlaient par sa bouche.
De plus, selon
Porphyre (auteur du IIIe siècle), manger un cœur de corbeau permet
d'acquérir un don prophétique, car cet oiseau "rend des oracles comme un
Dieu"
Gravure d'après des oeuvres antiques par P.Sellier et M. Sapine (Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Daremberg,1877) |
Les messages du corbeau
Toujours selon les auteurs antiques, voilà comment interpréter les oracles des corbeaux :
- Si on entend son cri venir de derrière, il présage du souci et de l'inquiétude.
- Si on l'entend à droite, il s'agit d'un encouragement.
- Rêver de corbeau annonce l'adultère, le vol, voire la mort prochaine.
-
en Lycie, si des corbeaux se battent contre les cigognes et gagnent,
les bêtes d'élevage seront nombreuses cette année là. Au contraire, si
les cigognes gagnent, on aura de bonnes récoltes.
- Une région où pullulent les corbeaux est une région fertile.
-
Les corbeaux volent en masse et croasse quand vient la pluie (ce qui
leur a valu la réputation d'avoir toujours soif et a donné naissance à
un mythe).
Le corbeau était aussi lié à la maladie : pour chasser une épidémie, on proclamait la formule : "Va-t-en aux corbeaux !". Cet oiseau étant un charognard, on le pensait ainsi étroitement concerné par la mort et les maux.
A Athènes, on jetait les criminels du haut d'un précipice, où les cadavres étaient ensuite dévorés par des corbeaux. Ce lieu s'appelait ainsi Korakes.
Quant à l'expression "aller aux corbeaux" c'est l'équivalent de notre "aller au Diable".
En outre, les
habitants de la cité de Platées requéraient l'aide des corbeaux pour
savoir dans quel arbre ils sculpteraient le "daidalon" (sorte de
"branche de mai" qu'ils brûlaient en l'honneur de Zeus et Héra durant la
fête des Daidala). Pour cela, ils accrochaient des morceaux de viande
dans une forêt de chênes et attendaient de voir sur quel morceau se
porterait en premier la préférence des corbeaux : dès qu'un corbeau se
posait sur un arbre, on le choisissait pour le daidalon.
Si vous êtes intéressés, vous pouvez lire Les Oiseaux d'Aristophane en cliquant ici. Cette comédie ne parle pas que de corbeaux, mais pour mémoire elle est vieille de plus de 25 siècles ! C'est toujours intéressant de lire une pièce aussi ancienne...
bon, on en sait plus maintenant sur le langage et sur les présages des corbeaux.Maintenant, si son cri vient de derrière ou de devant, j'aurai du mal à le savoir, ils sont souvent assez haut perchés !
RépondreSupprimerMême de nos jours, avant une tempête, un tremblement de terre, le vol des oiseaux est différent comme s'ils nous prévenaient du danger
RépondreSupprimerLes corbeaux, les oiseaux, et tous les animaux ont souvent des comportements différents avant les catastrophes ou autres changements. Leur fameux "6e sens". ç'a pu passer pour de la magie, de la superstition, de la divination voire de l'hérésie. Aujourd'hui encore, ça reste difficile à étudier scientifiquement. Certains ne croient pas à ces étrangetés, mais moi si ;-) et vous ?
RépondreSupprimerEn 1972, dans la nuit tremblement de terre à LR. L'après-midi à la plage, les mouettes rassemblées tournaient et criaient dans le ciel, de retour à la maison, je trouvais que les oiseaux avaient un comportement étrange, le soir notre chien c'est mis à hurler. Alors oui moi aussi j'y crois
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