Dans un conte breton, on trouve la mention d'un lièvre merveilleux : un lièvre argenté.
Voici de quoi parle cette histoire...
Lapins et épagneul breton, par Boris Riab (source) |
Lorsqu'il retourna dans la forêt pour chasser, Malo tomba sur un lièvre d'argent qui, assis sur son derrière, le regardait et ne paraissait pas le craindre. Il voulut essayer de le prendre, sans le tuer. Mais, au moment où il croyait mettre la main dessus, le Lièvre s’enfuit un peu plus loin et s’arrêta encore à le regarder. Il le poursuivit et le manqua encore. Ce manège dura longtemps, l’animal paraissant assez disposé à se laisser prendre, et s’échappant toujours, au moment où le chasseur croyait être sûr de lui. Si bien que le soir survint, et que Malo, dépité et ne voulant pourtant pas tuer un si beau Lièvre, s’en retourna à la maison, d’assez mauvaise humeur.
Le lendemain, il retourna à la forêt et retrouva le Lièvre argenté, au même endroit que la veille.
— Pour le coup, dit-il, si tu ne veux pas te laisser prendre, je te tuerai, comme un Lièvre ordinaire.
Et il recommença sa poursuite, mais, sans plus de succès.
Le lendemain, il retourna à la forêt et retrouva le Lièvre argenté, au même endroit que la veille.
— Pour le coup, dit-il, si tu ne veux pas te laisser prendre, je te tuerai, comme un Lièvre ordinaire.
Et il recommença sa poursuite, mais, sans plus de succès.
A la tombée de la nuit, Malo se trouve fort loin de chez lui. Alors qu'il s'apprête à dormir à la belle étoile, le Lièvre se met à parler et lui indique où trouver le château du premier géant qui a enlevé sa soeur aîné. Celle-ci se montre bien heureuse de revoir son frère, mais elle veut le cacher car son mari, le géant, est un mangeur d'homme. Malgré tout, l'ogre "sent le chrétien" quand sa femme lui sert du vin. Il découvre Malo, quoiqu'il le laisse en vie car il trouve le jeune homme d'aimable compagnie. Ils se mettent à parler chasse :
— Ah ! mon pauvre ami, toi prendre le Lièvre argenté ! [dit le géant] Songe donc que voici cinq cents ans que je cours inutilement après lui, et que je ne suis pas encore parvenu à savoir où il se retire, quand je perds sa trace.
— N’importe, dit Malo, je veux le poursuivre encore, pour voir.
— Crois-moi, tu ferais mieux de rester ici tranquille avec ta sœur, et de ne plus songer au Lièvre argenté.
— Non, je veux encore essayer de le prendre.
— Eh bien ! pour te venir en aide, autant que je le puis, prends ce cor d’ivoire, et quand tu auras besoin de secours, souffle dedans
— N’importe, dit Malo, je veux le poursuivre encore, pour voir.
— Crois-moi, tu ferais mieux de rester ici tranquille avec ta sœur, et de ne plus songer au Lièvre argenté.
— Non, je veux encore essayer de le prendre.
— Eh bien ! pour te venir en aide, autant que je le puis, prends ce cor d’ivoire, et quand tu auras besoin de secours, souffle dedans
"Paysage aux lapins", estampe de Jacques Beltrand (source) |
Le lendemain, l'ogre part à la chasse aux Hommes, Malo à la chasse au lièvre, toujours en vain. Le soir, le lièvre le guide jusqu'au château du deuxième géant, où vit sa deuxième soeur. La soirée se répète comme la veille, sauf que cette fois le géant, qui poursuit le lièvre depuis 700ans donne à Malo un bec pour souffler dedans.
Idem le troisième jour, Malo rencontre le troisième ogre qui poursuit le lièvre depuis 1000ans et lui fait donc d'une mèche de cheveux.
Le quatrième jour, Malo poursuivit sa proie jusqu’à un bras de mer, qui pénétrait sous le bois. Le Lièvre sauta lestement par-dessus l’eau, mais, Malo ne put faire comme lui, et le voilà bien embarrassé. Il aperçut sur le rivage, à l’angle de deux grands rochers, une pauvre hutte, dont la porte était ouverte. Il y entra. C’était l’habitation d’un vieux cordonnier.
L'artisan explique au jeune homme que le Lièvre est en réalité une princesse qui se métamorphose en oreillard pour gambader dans les bois, et à qui il fabrique une paire de soulier chaque jour. Au moment d'apporter ses chaussures à la demoiselle, il cache Malo sous un manteau d'invisibilité pour l'introduire dans le palais.
(source) |
La princesse, qui s'était épris de lui et s'amusait bien à le retrouver tous les jours dans la forêt sous la forme d'un lièvre, est folle de joie quand elle le découvre. Malo et la princesse-lièvre se marie, mais l'époux doit respecter une condition : Chaque matin, avant de partir, elle remettait à son mari les clefs de toutes les chambres, de toutes les salles et de tous les cabinets du château, même celle de son trésor, le laissant libre d’entrer partout, à l’exception d’un petit cabinet, dont elle lui recommanda bien de ne jamais ouvrir la porte, sous peine des plus grands malheurs.
Evidemment, Malo cède à la tentation et ouvre la porte du cabinet. Aussitôt, le Diable, qui s'y trouvait prisonnier, s'en échappe et veut emporter la princesse avec lui en Enfer. Heureusement, Malo avait gardé les cadeaux des géants. Quand il souffle dans le cor, toutes les bêtes à cornes viennent se battre contre le Diable, quand il souffle dans le bec arrivent tous les oiseaux, et quand il utilise la mèche de cheveux, viennent tous les animaux à poil. Le Diable est vaincu... mais puisqu'on ne peut pas tuer le Diable, Malo et sa femme doivent le laisser partir, à condition qu'il ne s'en prenne plus jamais à eux.
Et voilà pourquoi il vit encore, et fait tant de mal sur la terre. Si on avait pu en venir à bout, quand on le tenait, le pauvre monde serait, sans doute, plus heureux qu’il ne l’est.
Sur cette lettrine de missel du XVIe siècle, on peut voir un lièvre et un diable (source) |
***
Comme vous avez pu le lire dans cette histoire, on retrouve encore le motif de la femme transformée en lièvre, héritage païen et notamment celte (n'oubliez pas que la Bretagne a longtemps été une région celtique).
On rencontre aussi le motif de la "pièce interdite", fameuse cave de Barbe-Bleue ou salle-de-bains de Mélusine.
On a aussi quelques non-dits qui laissent place à l'imagination :
- Pourquoi la princesse a-t-elle besoin de nouveaux souliers chaque jour ? Selon moi, ce sont ces souliers qui la transforment en lièvre et qui lui permettent de courir si vite, sans jamais être rattrapée, ni par les chasseurs, ni par les géants. Après tout, dès l'Antiquité, le lièvre est réputé pour la légèreté de son pied.
- Pourquoi la princesse garde-t-elle le Diable enfermé dans son cabinet, et pourquoi veut-il s'emparer d'elle ? On peut y voir le signe d'un contrat passé avec le Diable. Cette histoire a traversé l'ère chrétienne, pour preuve les géants qui sentent Malo car il a une odeur de "chrétien". Montrer une femme qui se transforme en lièvre, ce n'est pas très catholique ! Mieux vaut penser que la princesse est en partie sorcière pour que le conteur ne soit pas accusé d'hérésie...
Pour lire ce conte en entier, cliquez ici.
La curiosité est un vilain défaut 😄
RépondreSupprimerje me suis laissée embarquer par ce conte ce matin, et j'ai passé un agréable moment :-)
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