mardi 22 août 2023

Le lièvre dans le Roman de Renart (2) : le procès de Renart, Couard et le faux pèlerin.

 Couard n'est jamais du côté de Renart mais toujours son adversaire. Par exemple, lors du combat de Renart contre son grand ennemi Ysengrin le loup, Couard fait partie des "otages" (= ses supporters, ses garants) du loup, contre le renard.
 
 derrière Renart, on voit de nombreux cadavres de volailles et de lièvres
Décrétales de Grégoire IX (XIVes)
 
 Le jour où on annonce que Renart va être jugé dans un procès par le Roi Noble le lion, c'est Couard qui répand la nouvelle, non seulement parce qu'il court vite mais aussi car le goupil lui en a déjà fait voir de toutes les couleurs (ce qui prouve que Renart tape volontiers dans la garenne de Couard et croque de temps en temps un membre de sa famille) :
"Couard le lièvre se précipite de cour en cour, de rue en rue ; maintes fois l'autre lui a fait des ennuis, il espère s'en venger aujourd'hui même."
Couard, dans un sursaut d'audace, a même le courage de frapper son ennemi... mais il regrette bien vite ! Lisez plutôt :
 "Couard le lièvre lui lance une pierre de loin car il ne veut pas l'approcher. Après le jet de pierre qu'il a fait, Renart lève la tête puis la secoue. Couard en est si déconcerté qu'on ne l'a jamais revu depuis.
Il est effrayé par le signe qu'il a cru voir là, et se cache alors dans une haie. D'ici, se dit-il, il regardera quel châtiment on lui fera. Mais il s'y cache à tort, ainsi que je le crois, car il aura encore à craindre pour lui-même aujourd'hui.
"
 
 En effet, Couard a encore du soucis à se faire. Lors de son procès, Renart se repend, n'est pas pendu mais décide de partir en pèlerinage pour expier ses péchés. Or, il laisse bien vite de côté ses "bonnes résolutions", son naturel revient au galop. L'une de ses premières victimes est le lièvre qui connaît une méchante mésaventure :
 
Illustration de Joseph Wolf (1853)
 
 "Il s'approche de la haie où Couard s'est caché. Il a une très grande faim comme il n'a jamais connue ; d'avoir jeûné lui fait mal à la tête. Sur ce, il entre dans la haie. Couard le voit, il en est fort effrayé, il se lève sur ses pattes de peur, puis lui souhaite le bonjour. 
 
Couard lui dit : « Je suis vraiment très content de vous voir sain et sauf. Je suis très peiné par les si grands ennuis qu'ils vous ont faits aujourd'hui. »
Renart qui trompe tout son monde répond : 
« Puisque mes ennuis vous peinent, et que vous n'êtes pas bien à cause de cela, Dieu fasse que les vôtres me peinent aussi. »
Quand Couard l'entend, il comprend très bien. Il n'est pas du tout rassuré, alors il s'apprête à fuir, car il redoute beaucoup une trahison. Il voudrait se tirer vers la plaine mais Renart le saisit par le mors.
« Corbleu, seigneur Couard, vous allez rester là, lui dit Renart ! Votre cheval ne sera jamais assez rapide pour qu'il vous préserve de mes renardeaux, et qu'on ne leur donne pas leur ration. »
 
Illustration de Wilhelm von Kaulbach (1845)
 
Il se met à le piquer avec son bourdon, et Couard est contraint d'avancer dans une vallée profonde et large, entre quatre roches aiguës
s'élevant haut vers les nues. Renart monte sur la plus haute, Couard avec lui, qu'il couvre de honte, en le laissant tête pendante vers le bas sous les pieds de son cheval. Renart, qui est si mauvais,compte bien en faire livraison à ses petits sans tarder. Le salut de Couard dépend maintenant de Dieu !
"
 
Heureusement, il semblerait qu'il y ait un Dieu pour les lièvres : au même moment, Renart aperçoit le Roi et ses barons assemblés en contrebas. Ne pouvant résister à l'envie de se moquer d'eux car il les a bien eu en se déguisant en pèlerin sans jamais se repentir, il se met à les huer :
"Il leur lance alors tant de moqueries que seigneur Couard en profite pour se délier, puis s'enfuir sur un cheval rapide après avoir fait un bond remarquable. Avant même que Renart y prenne garde, ou qu'il puisse l'en empêcher, Couard est déjà près de la cour, sur un cheval qui court fort bien. Mais il a les flancs tout transpercés où l'autre lui a enfoncé son bourdon, et la peau des pieds et des reins déchirée, il n'est pas du tout en bon état."
 
Artiste inconnu

On peut peut-être voir dans cet épisode une critique des faux pèlerins, des faux mendiants voire des religieux qui profitent de leurs privilèges (symbolisés par le bourdon) pour s'en prendre aux faibles et aux innocents. 



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