vendredi 2 septembre 2022

Le corbeau dans les contes de fées (2)

Plusieurs contes mettent en scène des humains qui se métamorphosent en corbeaux. En voici quelques exemples...
 
*Dans Les Sept Corbeaux, un Roi et une Reine se désolent d'avoir sept fils mais pas de fille... Par bonheur, leur huitième enfant est une fille ! Pour la garder en vie et en bonne santé, protégée par Dieu, le Roi sait qu'il faut baptiser immédiatement la petite. Il envoie donc en hâte ses garçons chercher de l'eau. Mais devant la fontaine, les sept frères se chamaillent : tous veulent puiser l'eau qui baptisera leur petite soeur... Et voilà qu'à force de chicane, la cruche tombe à l'eau ! 
Pendant ce temps, le Roi peste :
"Les garnements sont certainement en train de s'amuser et ont oublié la pauvre petite!" Il avait tellement peur que le bébé meure sans baptême qu'il s'emporta: 
- Je voudrais les voir tous transformés en corbeaux!
A peine eut-il prononcé ces paroles, qu'il entendit des battements d'ailes au-dessus de sa tête. Il leva les yeux et vit s'envoler sept corbeaux noirs."
 
Illustration d'Oskar Herrfurth

Les parents ne peuvent pas rompre la malédiction : ils doivent donc vivre sans leurs fils... 
Les années passent. Un jour, la Princesse apprend par hasard qu'elle a sept frères qu'elle ne connaît pas. Ses parents lui racontent tout et elle décide de partir à leur recherche pour briser le mauvais sort.
Elle marche loin, très loin, jusqu'à ce que les étoiles lui offrent un os, lequel se transforme en petite clef d'or qui ouvre la porte de la Montagne de Verre. C'est ici que vivent ses frères corbeaux, qui sont servis par un nain. Comme ils sont absents pour le moment, le nain sert à manger et à boire à la Princesse. Quand les corbeaux rentrent, elle se cache. Les frères (de même que les sept nains de Blanche-Neige ou que les ours de Boucle d'Or), se rendent immédiatement compte que quelqu'un a touché à leurs affaires. 
 
"Et comme le septième corbeau arrivait au fond de son gobelet, la petite bague roula devant lui. Il la regarda et reconnut la bague qui avait appartenu à son père et à sa mère. 
- Mon Dieu! si notre petite soeur pouvait être là, s'exclama-t-il, nous serions délivrés!
En entendant ce souhait, la fillette, qui se tenait cachée derrière la porte, s'avança vers les sept corbeaux qui retrouvèrent instantanément leur forme humaine."
Illustration d'Hans Fischer

 
Si vous n'avez encore jamais lu ce conte, je vous le conseille vivement. Il contient des motifs forts (par exemple l'os-clef) et des phrases mémorables (par exemple, le Soleil et la Lune sont de vrais cannibales !). C'est avec des histoires comme celle-ci qu'on voit que les contes de fées ne sont pas aussi tendre et mièvre que certains voudraient le faire croire...

Illustration de Vojtech Preissig


* Un autre conte de Grimm, Les Douze Frères, montre des frères transformés en corbeaux. L'histoire est un peu différente. Au début, les parents se désolent car ils ont douze fils et pas de fille. Le Roi est tellement désespéré qu'il prévient sa femme : si leur prochain enfant est une fille, il tuera tous ses garçons pour qu'elle hérite toute seule de ses richesses (il craignait peut-être de ne pas avoir de quoi la doter à cause de ses autres héritiers). Pour prouver sa résolution, il fait d'ores et déjà construire douze cercueils. 
Effrayée par ses menaces, la Reine prévient son plus jeune fils, Benjamin. Elle l'enjoint de fuir avec ses frères. Ils doivent se cacher dans les bois jusqu'à la naissance du bébé. S'il s'agit d'une fille, elle accrocher un drapeau rouge comme le sang à la cime de l'arbre le plus grand pour les prévenir de ne pas revenir. Si le drapeau est blanc, le bébé sera un garçon et ils pourront rentrer. 
L'enfant née. Le drapeau est rouge. 
Furieux d'être chassés de chez eux, les douze frères fomentent une vengeance : puisque c'est à cause d'une fille qu'ils doivent fuir, désormais ils tueront toutes les filles qui croiseront leur route. 
 
Les années passent. les Princes vivent dans la forêt. la Princesse grandit et, un jour, en trouvant douze petites chemises parmi la lessive, elle comprend qu'elle a des frères. Elle part à leur recherche et tombe sur leur logis. Heureusement, ce jour-là, Benjamin était seul à la maison. Il reconnaît sa soeur et parvient à réconcilier toute la fratrie. Les douze frères et la sœur vivent heureux dans la forêt, jusqu'au jours où la jeune fille, voulant cueillir douze magnifiques lis pour ses frères, voit s'envoler douze corbeaux. Par la magie propre aux contes, une vieille femme (=une fée) apparaît devant elle. 
 
"Qu'as-tu fait là, mon enfant? Pourquoi n'avoir point laissé en paix ces douze blanches fleurs? Ces fleurs étaient tes frères, qui se trouvent désormais transformés en corbeaux pour toujours."
 
(source)

Par chance il existe un moyen de les sauver : la fille ne doit pas parler ni rire une seule fois durant sept années. Au cours de cette période, alors qu'elle tisse des chemises pour ses frères, un Roi vint à passer, lui demande si elle veut l'épouser, et comme elle fit signe que oui, il l'emmène dans son palais. Mais, jalouse, sa belle-mère fait croire au Roi que sa femme muette est une sorcière. Devant l'insistance de sa mère, le Roi doit obéir et brûler sa bien-aimée. Heureusement, les sept années de pénitence prennent fin à ce moment là !
 
Soudain on entendit dans l'air un battement d'ailes, et douze corbeaux, qui dirigeaient leur vol rapide de ce côté, s'abattirent autour de la jeune femme. À peine eurent-ils touché le bûcher qu'ils se changèrent en ses douze frères, qui lui devaient ainsi leur délivrance. Ils dissipèrent les brandons fumants, éteignirent les flammes, dénouèrent les liens qui garrottaient leur sœur, et la couvrirent de baisers.
 
Illustration de H.J. Ford

Ainsi, dans ces deux contes, ce n'est pas seulement le nombre de frères/corbeaux qui change. C'est aussi :
- le lien qui, au départ, unit les frères à la sœur : ils sont si heureux d'avoir une soeur qu'ils se chamaillent pour tirer l'eau de son baptême // ils la détestent et veulent se venger sur la gent féminine.
- la raison de la malédiction : le père lance un sort // la soeur commet un impair.
- la manière dont la soeur apprend qu'elle a des frères : au détour d'une conversation // en trouvant des chemises.
- le moyen de rompre le sort : se trouver en présence de la soeur // la soeur ne doit pas parler ni rire pendant sept longues années. 


*Un autre conte de Grimm, La Corneille (ou Le Corbeau, selon les traductions), met en scène une métamorphose d'humain en oiseau. Cette fois, c'est une fille qui est touchée. Un jour, cette petite princesse se montrait insupportable. Voyant des corneilles passer, sa mère souhaita : "Ah ! si tu étais une corneille, tu t'envolerais et tu me laisserais en paix !" Et voilà que la fillette se transforme en oiseau et s'envole. 
Elle vit un moment dans la forêt jusqu'à rencontrer un homme à qui elle raconte ses malheurs. Lui souhaite la délivrer. La Princesse lui apprend comment il doit s'y prendre : il doit se rendre jusqu'à la maison d'une vieille femme, mais même si elle lui offre à boire et à manger, il ne doit toucher à rien. Après, il doit l'attendre sur un tas de branchage, où elle le rejoindra. 
Le jeune homme trouve la maison, mais la nourriture est si tentante qu'il ne peut résister à la tentation d'y goûter. Comme les mets sont ensorcelés, chaque fois qu'il monte sur le tas de branchages, il s'endort. Trois jours d'affilée, la princesse-corbeau vient le retrouver, tirée par un attelage de quatre chevaux... Mais le voyant endormi, elle soupire et repart.
Illustration de Walter Crane
 
Le troisième et dernier jour, elle lui glisse au doigt un anneau et dépose près de lui une lettre : désormais, s'il veut la retrouver, il devra aller jusqu'au château d'or de la montagne de verre. 
Dès qu'il se réveille, le jeune homme s'en veut et se met en route. Après avoir affronté un géant et des brigands, il retrouve la princesse-corneille, délivrée de son charme. Comme dans le conte des Sept Corbeaux, les amoureux se reconnaissent grâce à l'anneau d'or glissé dans un verre.  

(source)


*Le Roi des Corbeaux est un conte populaire de Gascogne. Il reprend des topos bien connu du genre et apparaît comme un mélange de La Belle et la Bête ou A l'Est du Soleil, à l'Ouest de la Lune
L'histoire est celle d'un homme vert et borgne qui vit avec ses trois filles. Un jour, un oiseau, grand comme un taureau, et noir comme l’âtre, vient se jucher au bord de la fenêtre. Il se proclame le Roi des Corbeaux et demande à l'homme vert de lui donner la main de sa fille. L'homme refuse. Furieux, le corbeau lui crève l'oeil. Par pitié pour son père, la plus jeune des trois filles accepte d'épouser le Roi des Corbeaux afin que celui-ci lui rende la vue. 
Dès la première nuit de noce, le Roi des Corbeaux révèle la vérité à son épouse : 
 
Autrefois, j’étais roi sur les hommes. Maintenant, je suis le Roi des Corbeaux. Un méchant gueux, qui a grand pouvoir, nous a changés en bêtes, moi et mon peuple. Mais il est dit que notre épreuve finira. Pour cela, tu peux beaucoup. Je compte que tu feras ton devoir. Toutes les nuits, comme ce soir, je viendrai dormir à ton côté. Mais tu n’as encore que dix ans. Tu ne seras vraiment ma femme qu’après sept ans passés.
 
La fillette ronge son frein pendant sept ans... mais la veille du jour dit, elle allume une bougie pour voir à quoi ressemble son Roi quand il est endormi et dévêtu de ses plumes. Hélas ! Il se réveille et, ainsi qu'il l'avait prédit, il arrive malheur : le gueux qui lui a lancé la malédiction l'enlève, l'enferme dans un pays lointain et le fait garder par deux loups. Son épouse marche pendant trois ans sans relâche afin de le retrouver et de lui redonner forme humaine. 
 
Illustration de Gilles Rapaport

***
Ainso, dans les contes, il n'est pas rare que des personnages se métamorphosent en corbeaux. Pourquoi ? Parce que les corbeaux sont intelligents et "parlent" de même que les Hommes ? Parce qu'ils sont liés au mauvais sort ? 
Mystère ! Toujours est-il que grâce à eux, nous pouvons lire de beaux contes 😏

3 commentaires:

  1. oui, c'est vrai, j'ai également passé un moment agréable à lire ces extraits de contes...

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  2. Magnifiques contes, j'ai adoré. A propos de corneille, j'ai regardé une série, il y avait des corbeaux et une corneille. Un Amérindien qui accueille 3 personnes dit :"la corneille m'avait dit que vous passeriez, elle perçoit l'illusion dans l'interprétation que l'humanité donne au monde" ensuite il dit à l'une d'entre elles : "votre totem c'est la corneille vous voyez tout" j'ai trouvé que cela reflété tout ce que tu nous dis :-))

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    1. Hihi c'est vrai ! Joli adage. Tu nous devances, nous passerons "bientôt" aux corbeaux amérindiens ;-)

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