Dans Les Mille et une nuits, toujours dans la traduction de Joseph Charles Mardrus, on trouve l'histoire d'une jeune fille, Tohfat-al-Kouloub (=Chef-d’œuvre-des-Cœurs). Cette jouvencelle connaît bien la poésie et le chant. Elle déclame ainsi les chansons de toutes sortes de choses, les vents, les fleurs et les oiseaux. Voici le Chant du corbeau, qui est déclamé lors de la 935e nuit (vers la fin des 1001 nuits, donc) :
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« Oui, je le sais, vêtu de noir, je viens troubler, de
mon cri importun, ce qu’il y a de plus pur, et rendre amer ce qu’il y a de plus
doux.
Soit au lever de l’aurore, soit aux approches de la nuit,
je m’adresse aux campements printaniers et les excite à la séparation.
Si je vois un bonheur parfait, je proclame sa fin
prochaine ; si j’aperçois un palais magnifique, j’annonce sa ruine
imminente.
Oui, tout cela on me le reproche, je le sais, et que je
suis de plus mauvais augure que Kascher, et plus sinistre que Jader.
Mais, ô toi qui blâmes ma conduite, si tu connaissais ton
véritable bonheur, comme je connais le mien, tu n’hésiterais pas à te couvrir
comme moi d’un vêtement noir ; et tu me répondrais en tout temps par des
lamentations.
Mais les plaisirs vains occupent tes moments, et ta
vanité te retient loin des sentiers de la sagesse.
Tu oublies que ton ami sincère est celui qui te parle
avec franchise, et non celui qui te cache tes erreurs, que c’est celui qui te
réprimande et non celui qui t’excuse ; que c’est celui qui t’enseigne la
vérité et non celui qui venge tes injures.
Car quiconque t’adresse des remontrances, réveille en toi
la vertu lorsqu’elle est endormie, et te met sur tes gardes en t’inspirant des
craintes salutaires.
Quant à moi, habillé de deuil, je pleure sur la vie
fugitive qui nous échappe, et ne puis m’empêcher de gémir toutes les fois que j’aperçois
une caravane dont le conducteur accélère la marche.
Je suis ainsi semblable au prédicateur dans la mosquée, et
ce n’est pas une chose nouvelle que les prédicateurs soient vêtus de noir.
Mais, hélas ! ce ne sont que des objets muets et
inanimés qui répondent à ma voix prophétique !
Ô toi qui as l’oreille dure, réveille-toi enfin, et
comprends ce qu’indique la nuée matinale : il n’y a personne sur la terre
qui ne doive s’efforcer d’entrevoir quelque chose du monde invisible !
Mais tu ne m’entends pas, tu ne m’entends pas !
Et je m’aperçois enfin que je parle à un mort ! »
***
Ainsi, dans ce chant, le corbeau est associé à la mort et à de mauvais augure... Mais il donne aussi des conseils et constitue, en quelque sorte, un espèce de porte-parole pour le Carpe Diem.
Le chant du corbeau est complexe et un peu ambigu. Je retiens qu'il faut saisir le moment qui passe ....et en faire un moment unique.
RépondreSupprimerC'est vrai... Car la vie ne dure pas plus longtemps que le chant d'un corbeau !
SupprimerC'est magnifique, dans ce chant, le corbeau nous conseille et nous met en garde : ne pas prendre pour acquis ce que l'on a, c'est ce que j'ai compris.
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