La création de l'ours dans la mythologie finnoise

Dans nombre de mythologie, la naissance de l'ours (entendez par là : sa création légendaire) prend souvent deux formes contraires :

1) L'ours n'est autre qu'un homme métamorphosé. 

2) A l'inverse, l'homme est un ours métamorphosé. 

Ce duo homme-ours se retrouve dans nombre de légendes et de cultures. Pourquoi ce rapprochement ? Tout simplement car l'ours, comme l'Homme, peut se déplacer sur deux jambes. Il peut se servir de ses pattes avant comme de mains (pour se nourrir par exemple). Même son visage semble parfois prendre des expressions humaines. 

Je pense que le singe, autrefois, était bien moins connu que l'ours car on n'en trouve pas sur tous les continents dans la nature. En Europe, il était donc plus facile de faire le rapprochement entre l'ours et l'Homme qu'entre le singe et l'Homme

Ainsi, l'ours semblerait pré-exister à l'Homme... ou bien venir de lui. On trouve peu de récits de "création" de l'ours. 

J'en ai toutefois trouvé un exemple dans la mythologie finnoise, qui par ailleurs met en scène plusieurs épisodes avec des ours... Celui-ci occupe une grande place dans les récits fondateurs finlandais. Nous en parlerons ces prochains jours.

 

Illustration de John Bauer

D'après le Kalevala (une épopée légendaire reconstituée au XIXe siècle par Elias Lönnrot d'après une tradition orale), voici comment serait né l'ours (pour rappel, il s'appelle alors Otso, ce qui signifie "front(large)") :

 

Une vierge de l'air parcourait les cieux dans la région de la Grande Ourse en portant un panier de laine. Alors qu'elle survolait une mer, elle laissa tomber un flocon (on peut imaginer un flocon de neige ou un flocon de laine, l'image est surtout poétique). 

Le petit flocon dérive jusqu'à atteindre le rivage d'une île où il fut recueilli par Mielikki, la déesse des forêts et de la chasse. 

Elle enveloppe alors le flocon dans des langes (on peut imaginer qu'il a bien grandi ce petit flocon... et qu'il ressemble à un bébé !) et le place dans un berceau qu'elle suspend à la branche la plus touffue de la forêt, à l'aide de chaîne d'or. 

 

source

"Otso  grandit et devint remarquablement beau; son pied était court, son genou recourbé, son museau épais et obtus, sa tête large, son nez écrasé, sa toison luxuriante; mais il n'avait point encore de dents, il lui manquait encore des griffes"

 

Alors,  Mielikki songe à lui trouver des griffes et des dents, à condition qu'Otso ne s'en serve jamais pour faire le mal. L'ours promet. Sa mère adoptive va donc prier les arbres épineux ou au bois dur de lui donner des griffes et des crocs pour Otso, mais tous refusent. Finalement, elle trouve ce qu'elle cherche : avec le rameau d'argent qui poussait sur un pin, elle lui fabrique des griffes ; avec le rameau d'or qui poussait sur un sapin, elle lui fabrique des dents.

Puis Mielikki laisse Otso s'en aller. Elle lui recommande de parcourir forêts, marécages, bruyères "marcher avec grâce" (donc probablement sur deux pattes), de "courir sans chaussure pendant l'été, sans bas pendant l'automne" (il va donc sans vêtement, comme un homme sauvage), et de passer l'hiver "dans une cabane" (ce qui symbolise probablement l'hibernation). 

Illustration de Tero Porthan

Voilà donc comment est né l'ours d'après les Finlandais : un minuscule flocon s'est transformé en géant des bois !

On trouve aussi, dans cette mythologie, des allusions à Hiisi (sorte de démons, pasteur des ours) ou à Hongas, divinité qui veille à ce que l'ours n'attaque pas les troupeaux.