vendredi 2 septembre 2016

Cendrillon ou histoire de "la petite étourdie qui perd ses souliers"

L'un des traits communs aux différentes versions de Cendrillon est la perte de la chaussure par une jeune fille.

Ainsi, au 1er siècle avant J.-C, l'historien grec Strabon rapport l'histoire de Rhodope :



"Quelques auteurs donnent à cette même courtisane le nom de Rhodôpis et racontent à son sujet la fable ou légende que voici : un jour, comme elle était au bain, un aigle enleva une de ses chaussures des mains de sa suivante, et s'envola vers Memphis où, s'étant arrêté juste au-dessus du roi, qui rendait alors la justice en plein air dans une des cours de son palais, il laissa tomber la sandale dans les plis de sa robe. Les proportions mignonnes de la sandale et le merveilleux de l'aventure émurent le roi, il envoya aussitôt par tout le pays des agents à la recherche de la femme dont le pied pouvait chausser une chaussure pareille ; ceux-ci finirent par la trouver dans la ville de Naucratis, et l'amenèrent au roi, qui l'épousa"



Nous avons déjà mentionné l'origine chinoise de la version de Cendrillon mettant en scène une jeune fille habitant avec ses marâtre et sa demi-soeur... C'est le conte de Yexian, raconté par Duan Chengshi au IXème siècle
De plus, un aspect de ce conte, qui semble avoir traversé les siècles et les pays, pourrait confirmer son origine orientale : il s'agit de l'essayage de la chaussure, que seule une femme aux pieds très petits pourrait enfiler. En effet, en Asie, avoir un petit pied est synonyme de beauté. Autrefois, on enserrait même les pieds des femmes dans des bandelettes dans le but de limiter leur croissance ! Cette coutume  est restée très pratiquée jusqu'au XXème siècle (c'est-à-dire hier à peine !).

Mais pourquoi Cendrillon perd-elle puis doit-elle essayer une chaussure ? Nous l'avons vu avec l'histoire de Rhodope : la chaussure semble représenter un aspect féminin, voire sexuel
En réalité, l'essayage de la chaussure (de même que l'enfilage d'une bague) symbolise l'hymen entre Cendrillon et le prince : c'est toujours le dernier épisode du conte. Remarquez que selon une ancienne tradition germanique, le jeune homme devait offrir une chaussure à son aimée pour sceller les fiançailles
Illustration de Gustave Doré

Chez Grimm, comme dans de nombreuses autres versions, les demi-soeurs de Cendrillon veulent tricher et sont prêtes à se mutiler, pour faire croire que la chaussure est à leur taille : elles se coupent les orteils ou le talon. Le prince pense avoir trouver la bonne femme jusqu'à ce qu'il aperçoivent le sang qui remplit la pantoufle !
Au contraire, Cendrillon se présente en haillons pour essayer le soulier. Elle s'était enfuie au bal, alors qu'elle était richement vêtue; là, en guenilles, elle ne s'enfuit plus : elle veut que le prince l'accepte telle qu'elle est, non déguisée en princesse.

Chez Grimm, voilà comment l'essayage de la chaussure se déroule : "Elle sortit son pied du pesant sabot de bois et le chaussa de la pantoufle qui le moulait parfaitement".
Par ce geste, Cendrillon, celle qui vit dans les cendres, accepte sa féminité : elle troque ses vieux sabots crottés contre une belle chaussure.
A l'inverse les sœurs tricheuses sont punies : des oiseaux leurs crève les yeux. Elles sont ainsi condamnées à la cécité, donc, symboliquement, à l'immaturité.
Illustration de Louis Rhead

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