Batrakhomyomakia... Quel nom barbare, imprononçable, inretenable... mais heureusement pas intraduisible !
Décortiquons-le pour y voir plus claire...
En Grec ancien :
- βάτραχος = Batrakos = grenouille
- μῦς = Mus/Myos = Rat/souris (ça, vous le saviez déjà !)
- μάχη = Makhé = bataille
Vous avez donc compris que nous allons parler, avec la Batrakhomyomakia, d'une bataille entre grenouilles et rats !
Peinture d'Emil Sydhagen |
Il s'agit, plus précisément, d'un texte écrit en grec ancien, une parodie de l'Illiade (l'épopée qui raconte la guerre de Troie). Pourquoi une parodie ? Parce que la Batrakhomyomakia relate, non pas une guerre de plus de dix ans qui opposent Troyens et Grecs, mais d'une guerre d'une journée opposant batraciens et rongeurs.
Ce texte a longtemps été attribué à Homère, l'auteur légendaire de l'Illiade et de l'Odyssée, qui aurait donc parodié sa propre oeuvre au VIIIème siècle avant J.C. Toutefois, il est plus probable que son auteur soit un certain Pigrès d'Halicarnasse, beaucoup moins connu, et date du Vème siècle avant J.C.
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Comment s'est déclenché la guerre entre les grenouilles et les rats ? C'est bien simple, un jour que le Rat Psikharpax le voleur de miettes se désaltérait, le Roi grenouille Physignathos aux joues enflées lui propose de venir chez lui.
Voilà comment Psikharpax se présente au Roi grenouille :
"Je me nomme Psikharpax le voleur de miettes, et je suis fils de Trôxartès le rongeur de pain, mon père magnanime, et ma mère, certes, est Leikomylè qui lèche les meules, fille du roi Pternotrôktès rongeur de jambon. Elle m’enfanta dans un trou et me nourrit de choses bonnes à manger, de figues, de noix, et de toute façon. Mais comment ferais-tu de moi ton ami, moi qui ne suis point ton semblable de nature? En effet, ta vie est dans les eaux, et moi j’ai coutume de ronger toute chose parmi les hommes. Le pain trois fois pétri ne m’échappe point dans la corbeille ronde, ni les galettes larges contenant beaucoup de sésame, ni le morceau de jambon, ni le foie revêtu de sa blanche tunique, ni le fromage nouveau de doux lait caillé, ni le bon gâteau de miel que désirent les Bienheureux eux-mêmes, ni auc (dune des choses que les cuisiniers préparent pour le repas des hommes, quand ils ornent les plats d’argile d’assaisonnements de toute sorte. Je n’ai jamais fui non plus la clameur terrible de la guerre, et, me ruant droit dans la bataille, je me suis mêlé aux premiers combattants. Et je ne crains point l’homme, bien qu’il ait un grand corps ; mais, montant sur son lit, je mords le bout de son doigt. Et même une fois, je l’ai saisi au talon, et, quand il eut senti la douleur, aussitôt son doux sommeil fut troublé par ma morsure. À la vérité, je crains deux ennemis sur toute la terre, l’épervier et la belette, qui me causent de grands maux, et aussi la ratière lamentable où veille une destinée pleine de ruses. Mais je crains par-dessus tout la Belette, car elle est de beaucoup la plus forte, et elle entre aussi dans les trous, et elle y furette."
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Le Rat accepte l'invitation et saute sur le dos de la grenouille. Celle-ci ignore que son invité ne sait pas nager : elle plonge et manque de le noyer ! Quand Psikharpax remonte à la surface, à demi-mort, il décide de se venger (car il pense que cet acte était prémédité) et rassemble ses troupes pour partir à l'assaut du peuple grenouille.
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Mais Athéna refuse d'accorder son secours à l'un comme à l'autre des partis :
"Jamais je ne viendrai en aide aux Rats affligés, car ils m’ont fait subir beaucoup de maux, rongeant mes bandelettes et nuisant à mes lampes, à cause de l’huile ; et ce qu’ils m’ont fait m’a trop mordu au cœur. Ils ont rongé mon péplos que j’avais tissé d’une trame subtile et d’un fil très-fin, et ils y ont fait des trous ; et le ravaudeur me demande beaucoup et me presse, et j’en suis irritée ; car il exige des intérêts, ce qui est affreux pour les Immortels ; et j’ai travaillé en empruntant, et je n’ai pas de quoi rendre. Mais je ne veux pas non plus venir en aide aux Grenouilles, car elles n’ont pas l’esprit sain. Récemment, revenant de la guerre, j’étais très-fatiguée et j’avais besoin de sommeil et, par leur bruit, elles ne m’ont pas laissée fermer l’œil, et je suis restée couchée tout éveillée, ayant mal à la tête, jusqu’à ce que le coq eût chanté"
Finalement, le combat tourne en défaveur des grenouilles. Zeus décide d'intervenir et leur accorde l'aide des crabes pour qu'elles remportent la bataille...
Vous pouvez lire le texte complet en cliquant ici. N'hésitez pas, c'est très court et très amusant !
En tout cas, on peut dire que la Batrakhomyomakhia est le texte le plus ancien qui met en scène des rats anthropomorphisés dans une sorte de fantasy animalière, qui les montre armés pour la bataille : "ils entourèrent leurs jambes de feuilles de mauves, et ils avaient des cuirasses de larges et vertes poirées, et ils firent des boucliers avec des feuilles de choux, et ils avaient pour lance un long roseau pointu, et ils couvrirent leurs têtes de légères coquilles de limaçon"
Illustration de Stacie Williams (cliquez sur le lien pour voir sa version résumée et superbement illustrée [en anglais] ) |
Belle histoire, les rats mangent tout et les grenouilles font du bruit, ils font pareil à notre époque
RépondreSupprimerC'est vrai, rien n'a changé !
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