En ce qui concerne le comportement naturel des léporidés, quelques auteurs antiques ont écrit à ce sujet dans leurs Histoires Naturelles. Puisque le lapin était encore peu répandu et peu connu des Grecs Anciens, les ouvrages font surtout mention du lièvre et assez peu du lapin (ou bien ils confondent les deux.
Aujourd'hui, je vais vous donner essentiellement des extraits de textes écrits par Aristote (Grec, IVe s. av. J.C) et Pline L'Ancien (Romain, Ier siècle).
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"Cet animal ne compte pas parmi les plus grands animaux; mais il fait beaucoup de petits; il est fissipède, et les fissipèdes sont en général très féconds. En outre, il a beaucoup de sperme. Ce qui le prouve bien, c'est l'abondance de son poil, qui est vraiment extraordinaire. Il est le seul animal qui ait des poils sous les pieds et même en dedans des mâchoires. Cette abondance des poils indique toujours une sécrétion abondante; c'est si vrai que, parmi les hommes, ceux qui sont velus sont portés aux plaisirs du sexe ; et ils ont beaucoup plus de sperme que les hommes dépourvus de poils. Le lièvre a bien souvent des fœtus incomplets, en même temps qu'il a des petits très bien conformés. (Histoire des animaux livre IV, chapitre IV)
On peut tirer plusieurs remarques de cette description par Aristote :
- il a noté la fourrure fournie du lièvre...
- il a noté, surtout, sa grande fécondité.
- il opère une comparaison entre le comportement/le physique des animaux et celui des hommes. Autrement dit : qui est poilu comme un lièvre sera aussi fertile voire lubrique qu'un lièvre. Il s'agit bien sûr de clichés, non-scientifiquement prouvé aujourd'hui !
(Si vous vous posiez la question,"fissipède" signifie que le lièvre a les pieds fourchus, soit divisés en plusieurs doigts)
Aristote dit aussi que le lièvre est "prudent et craintif" comme le cerf (Histoire des animaux, livre I)
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Quant à Pline l'Ancien, il écrit dans son Histoire Naturelle :
Les lièvres forment aussi plusieurs espèces. Dans les Alpes ils sont blancs; on croit que dans les mois d'hiver ils s'y nourrissent de neige [...] Au reste, c'est un animal habitué à supporter les froids les plus rigoureux. Au genre lièvre appartiennent aussi les animaux nommés en Espagne cuniculi (lapins); leur fécondité est extraordinaire, et ils affament les îles Baléares en dévastant les moissons. Les petits tirés du ventre de la mère ou enlevés à la mamelle, sans être vidés sont regardés comme un mets très-agréable; c'est ce qu'on nomme laurices.
C'est un fait que les habitants des îles Baléares réclament du dieu Auguste le secours d'une garnison pour les empêcher de pulluler. Le furet est très estimé, parce qu'il leur fait la chasse; on l'introduit dans leurs terriers, qui ont plusieurs issues, et d'où aussi leur nom de cuniculi provient; les lapins, expulsés, sont pris à la surface.
Archelaüs prétend qu'autant le lièvre a d'ouvertures naturelles pour les excrétions, autant il a d'années (toujours est-il que le nombre de ces ouvertures varie); que chaque individu possède les deux sexes, et sans mâle engendre est bien. La nature. pleine de bonté en ce point. a rendu très féconds les animaux inoffensifs et propres à la nourriture. Le lièvre, qui naît pour être la proie de tous, est le seul, outre le dasypode chez qui la superfétation ait lieu. La femelle en allaite un [petit], en a dans l'utérus un second qui est rouvert de poil, un troisième qui n'en a pas encore, et un quatrième qui n'est que commencé. On a aussi essayé de faire des étoffes avec le poil de lièvre; mais au toucher elles ne sont pas aussi douces qu'est la fourrure sur l'animal et elles manquent de solidité à cause du peu de longueur du poil.
Ils s'apprivoisent rarement, bien qu'on ne puisse les dire absolument sauvages; il y a, en effet, plusieurs espèces qui ne sont ni privées ni sauvages, mais qui tiennent le milieu; par exemple, dans l'air, les hirondelles, les abeilles, et, dans la mer, les dauphins.
On peut établir ces remarques à propos du texte de Pline :
- Il connaissait déjà le caractère "variable" des lièvre européens. Par contre, il ajoute une fantaisie : selon lui, ces lièvres blancs se nourrissent de neige !
- Il mentionne les laurices, cet aliment dont les Romains étaient particulièrement friands
- Lui aussi a remarqué la grande fécondité des lièvres. En revanche, il se trompe quand il considère que le lièvre est hermaphrodite (même si de nombreux auteurs antiques partagent cette idée erronée. Par exemple, Philostrate écrit : "quant au mâle, non seulement il féconde la femelle, ce qui est dans son rôle de mâle, mais il conçoit lui-même, ce qui est contre nature")
- Il n'a pas aussi été prouvé que plus un lièvre est vieux, plus il a de trou de fesse (!)
- Pline a vu juste en ce qui concerne la superfétation : cela signifie que la hase peut être gestante alors même qu'elle vient juste de donner naissance à des petits. Par contre, puisque les levrauts quittent leurs parents très tôt, la hase ne peut pas élever plusieurs petits à la fois.
- Nous voyons que Pline est conscient des problèmes que pose cette fécondité. Certes, il est heureux que ces animaux aient beaucoup de petits puisqu'ils sont très bons à manger... Néanmoins, ils causent beaucoup de ravages ! (A noter que les îles Baléares sont en Espagne, soit la contrée d'origine des lapins)
- Ainsi, pour remédier à ce problème de surpopulation, les hommes ont deux recours : demander le secours d'un dieu (ou de leurs supérieurs politiques qui vont jusqu'à dépêcher des soldats pour les exterminer) ; ou bien utiliser des furets pour les déloger. Ainsi, les Romains avaient déjà des techniques de chasse pour se prémunir contre les dégâts des lièvres !
Olpè (vase) grec représentant un chasseur ramenant un renard et un lièvre (env. 5e. s. av. J.C) (source) |
NB : A propos de la superfétation, Hérodote, historien grec du Ve s. av. J.-C. notait déjà : Le lièvre trouve partout des ennemis ; les bêtes, les oiseaux, les hommes, lui font la guerre : aussi cet animal est-il extrêmement fécond. Sa femelle est, de tous les animaux, la seule qui conçoive quoique déjà pleine, et qui porte en même temps des petits dont les uns sont couverts de poil, les autres n’en ont point encore, et d’autres ne font que de se former, tandis qu’elle en conçoit encore d’autres. (Histoire, livre III)
C'est intéressant tout ça ! surprenant souvent et rigolo ! Comme l'histoire du trou de fesse ?? Bon, ton article est bien argumenté... Super !
RépondreSupprimerA retenir : "les hommes velus sont portés aux plaisirs du sexe" 😃 surprenant : la femelle porte des petits de gestations différentes 🙃
RépondreSupprimerComme quoi, on a vite fait de tirer des conclusions trop hâtives ! =D
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