La chasse à l'ours au Moyen Age

 Même s'il était déjà craint avant le Moyen Âge, l'ours était toujours plus ou moins respecté en raison de son titre de "roi" voire de "dieu". 

Mais maintenant qu'il est devenu diabolique, on ne peut plus éprouver aucune pitié pour cet ours qui dévore les troupeaux, menace femmes, enfants et hommes les moins courageux, et ressemble tant à un homme mal dégrossis... 

La chasse à l'ours, qui jadis pouvait s'apparenter à une épreuve initiatique, à un rite de passage (notamment pour les peuples nordiques, celtes ou finnois) voire à un exploit guerrier (nombre de chevaliers de la Table Ronde combattent des ours) devient monnaie courante. Nécessité "évangélique" plus que nécessité défensive, ou même simple passe-temps pour les nobles (on retrouve l'esprit des arènes romaines...), l'heure de la chasse au grizzly a sonné. 

 

Enluminure de Girolamo da Cremona (XVe s.)

Le but est d'exterminer cet ennemi vorace et païen : le nombre d'ours décroit peu à peu. Sous Charlemagne notamment, il y eut de grands massacres d'ours (chasses à cours et battues étaient alors régulièrement organisées). 

En plus de donner des informations sur le comportement des animaux, certains bestiaires renseignaient aussi sur les moyens de les chasser. C'est le cas notamment du Livre de Chasse de Gaston Phébus, manuel composé au XIVe s. et fort prisé au Moyen Âge. 

 

Ours pris au piège, enluminure d'un manuscrit du Livre de Chasse (XVe s.)

Voici ce que nous dit notre bon Gaston :

- la saison de la chasse à l'ours commence en Mai et dure jusqu'à ce qu'on voit des ours (autrement dit, jusqu'au début de l'hivernation).

-selon lui, si deux hommes attaquent un ours, ils peuvent facilement en venir à bout. En effet, l'ours a tendance à fuir les hommes, sauf s'il est blessé : il cherche toujours à se venger de qui le frappe. Donc quand il voudra se jeter sur l'un des chasseurs, l'autre devra le frapper; l'ours se retournera vers ce deuxième chasseur, le premier devra en profiter pour frapper à son tour... etc. En revanche, Gaston Phébus déconseille à un homme seul de partir chasser l'ours. Effectivement, l'animal est si costaud qu'il peut rompre une tête "jusqu'à la cervelle", casser les bras, et nul épieux ne lui résiste. 

-ses bras sont très puissants mais sa tête fragile : c'est là qu'il faut frapper l'ours pour le tuer.

- pour débusquer l'ours et s'aider dans cette traque, on peut être secondés par des alans (gros chiens de chasse), des chiens courants et des lévriers. 

- pour l'attraper ou le tuer, on peut utiliser arcs, épieux, lances, épées, lacs, cordes, fosses "et autres engins" (c'est-à-dire pièges).

-quand les ours sont blessés, ils peuvent échapper à leurs ennemis et, une fois hors de vue, ils mettent la patte dans leur plaie et en sortent leurs entrailles (!)

-apparemment, l'ours ainsi chassé était consommé puisque Gaston précise qu'il est gras toute l'année mais qu'il a "molle chair, et mal savoureuse, et mal saine pour manger". La seule chose qui semble bonne est les pieds "meilleurs à manger que rien qu’il porte". 

 

Chroniques de Jean Froissart (XVe s.)

Vous pouvez lire l'intégralité de ce rapport de chasse en cliquant ici (attention, c'est de l'Ancien Français ! Prenez votre dico, ou au moins le lexique d'Angélica ;-P ) 

 

Ironie du sort ? L'histoire raconte que Gaston Phébus est mort au retour d'une chasse à l'ours...

 

Enluminure d'un manuscrit du Livre de Chasse (XVe s.)

L'ours est tant chassé, depuis le Moyen Âge, avec des armes et des pièges de plus en plus sophistiquées, qu'il finit par disparaître complètement des montagnes françaises (pour ne pas dire européennes) au XXe siècle.