lundi 22 juillet 2019

Yurugu

Le renard pâle est une espèce de renard africain. Comme son nom l'indique, il n'est pas roux comme celui de nos latitudes mais plutôt couleur sable (pour mieux se fondre dans la savane où il vit).

Au Mali, pour le peuple Dogon, le renard pâle est un personnage important de la cosmogonie (c'est-à-dire des mythes sur la création du monde).

Selon cette cosmogonie, le monde serait né d'une parole prononcé par la divinité Amma. Dans cette parole devenue oeuf croissaient deux embryons : Ogo et son jumeau Nommo.
Or, Ogo, impatient, voulut sortir de l'oeuf avant d'être parfaitement formé. Arrachant un morceau de placenta à sa mère Amma, il gagna les ténèbres originels et forma la Terre. Ce geste s'apparente à un inceste car il s'unit symboliquement avec sa mère pour donner naissance à la Terre. Par conséquent, l'univers connaît un grand désordre.

Pour le punir de cette faute, Amma transforme Ogo en renard pâle, le rebaptisant par-là Yurugu. Pour rétablir l'équilibre, elle est obligée de sacrifier son second fils. Elle déchire Nommo en quatre morceaux pour établir les quatre points cardinaux, utilise son sang pour créer les astres, la faune et la flore, puis son placenta pour créer les hommes. En dispersant ses organes, elle met en marche les planètes. Enfin, son nombril devient Sirius (l'étoile la plus brillante).

Finalement, tout est bien qui finit bien car Amma ressuscite Nommo et le fait descendre sur Terre à bord d'une arche afin qu'il puisse organiser cette planète.

Néanmoins, Yurugu reste présent sur Terre et il faut désormais faire avec : l'ordre maintenu par Nommo est sans cesse perturbé par le renard pâle...


Gravure de Renard pâle de Keulemans (1890)

Nous retrouvons dans ce mythe le renard en tant que trickster, fauteur de trouble et violateur de tabou.
de plus, si l'on assimile cette cosmogonie avec la Genèse judéo-chrétienne, Yurugu a le même rôle que le Serpent tentateur : certes, c'est lui qui est à l'origine du désordre... Mais c'est aussi lui qui a apporté la connaissance (notamment de l'acte charnel) et a permis à notre monde d'être telle qu'il est, en mouvement perpétuel, avec des naissances et des morts, bref de la vie.

5 commentaires:

  1. Encore un mythe que je ne connaissais pas. Un peu violente cette création du monde

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    1. Les cosmogonies sont en effet souvent "violentes", surtout parce qu'elles sont symboliques. Comme on dit : on ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs. Le monde ne peut pas être créé sans qu'il y ait des dégâts ! Nous le constatons tous les jours, nous ne vivons pas dans un monde parfait, ce qui suppose un élément de désordre (ici le yurugu) pour apporter le mouvement nécessaire à toute forme de vie.

      Dans beaucoup de mythologies, on retrouve cette violence initiale. Chez les Grecs et les Romains, les dieux primordiaux mangeaient leurs propres enfants, jusqu'à ce que l'un d'entre eux "castre" ou tue le dieu-père pour prendre sa place.
      Il se passe à peu près la même chose dans les mythologies mésopotamiennes et dans certains mythes amérindiens. Dans toutes les cosmogonies, il y a toujours des combats entre le mal et le bien, jusqu'à l'établissement d'un pseudo-équilibre.
      Quand on y réfléchit bien, la cosmogonie chrétienne n'est pas dépourvue de violence... Les premiers hommes sont quand même boutés hors du paradis... Puis il y a un déluge qui ravage tout, des frères s'entretuent, des villes sont réduites en cendre, des fléaux s'abattent sur d'autres... ce n'est pas non plus le monde des bisounours ! On a juste tendance à l'oublier parce que c'est la version de la "création du monde" qu'on connait la mieux (donc, inconsciemment, à laquelle on adhère)

      Quant à l’écartèlement de Nommo pour former les différents points de repère de l'univers, c'est également un motif qui est souvent repris dans les mythes. On connait bien, par exemple, Osiris démembré dans la mythologie égyptienne.
      Idem pour le frère de Médée (tradition grecque puis latine) dont les morceaux sont éparpillés pour permettre à Jason (au le pieux héros qui démembre ses ennemis !) de fuir avec la Toison d'or.

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  2. merci pour toutes ces informations. Tu as raison nous ne vivons pas dans le monde des bisounours, pourtant cela fait du bien d'y croire de temps en temps

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  3. Super bien ton article. Je ne te promets pas de tout retenir, mais c'est bien intéressant à la lecture. Merci

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