LE LION ET LE RAT RECONNAISSANT
Un lion dormait ; un rat s’en vint trottiner sur son corps. Le lion, se réveillant, le saisit, et il allait le manger, quand le rat le pria de le relâcher, promettant, s’il lui laissait la vie, de le payer de retour. Le lion se mit à rire et le laissa aller. Or il arriva que peu de temps après il dut son salut à la reconnaissance du rat. Des chasseurs en effet le prirent et l’attachèrent à un arbre avec une corde. Alors le rat l’entendant gémir accourut, rongea la corde et le délivra. « Naguère, dit-il, tu t’es moqué de moi, parce que tu n’attendais pas de retour de ma part ; sache maintenant que chez les rats aussi on trouve de la reconnaissance. » Cette fable montre que dans les changements de fortune les gens les plus puissants ont besoin des faibles.
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Un Lion jadis, dit-on, dormait
Dans le bosquet où il logeait.
Autour de lui, jouait, folette,
Une tribu de Souricettes.
L’une, toute étourdie, trotta
Sur le Lion, et le réveilla.
Le Lion en
fut très irrité.
Il la prit, et, fort courroucé,
Rugit qu’il saurait la punir.
Elle s’excusa, sut lui dire
Qu’elle n’avait pas fait exprès…
Il la laissa aller en
paix.
« J’aurais, dit-il, maigre gloriole
A mettre à mort cette bestiole. »
Or, à bien peu de temps de là,
Un Homme, dit-on, prépara
Une vaste fosse et, de nuit,
Le Lion
y tomba : il fut pris
Et, craignant fort d’être tué
Dans la fosse, se mit à crier.
La Souris s’en vint à ces cris,
Mais sans savoir que c’était lui
Qu’elle avait
jadis réveillé.
Quand elle le vit prisonnier,
« Que cherchiez-vous, dit-elle, ici ? »
Il répond qu’il a été pris
Et sera tué à grand-douleur.
La Souris dit
: « N’ayez pas peur,
Je vais, moi, vous récompenser
De m’avoir jadis pardonné
D’avoir osé trotter sur vous.
Grattez la terre au fond du trou
Pour prendre un appui bien ancré,
Puis élancez-vous et sautez
De façon à pouvoir sortir.
Quant à moi, je ferai venir
D’autres Souris pour m’assister :
Que ces cordes soient bien rongées
Et ces filets qui sont
tendus,
Cher Lion, ne vous retiendront plus.»
Le Lion écouta la Souris :
Ainsi put-il sauver sa vie.
S’il dut de pouvoir s’échapper
Ce fut à son humilité.
Par cet exemple on peut le voir:
Aux riches, qui ont tout pouvoir
Sur les pauvres, d’avoir conscience,
S’ils leur nuisent par ignorance,
Qu’ils doivent avoir pitié d’eux
Car, dans l’avenir,
il se peut
Que le pauvre ait à les aider
Et sache mieux les assister,
Quand le sort les aura surpris,
Que le meilleur de leurs amis !
Enluminure de Richard de Montbaston (XIVe s.) |
C'est à savoir du lion et du rat.
Vit une fois que le rat ne savait
Sortir d'un lieu, pour autant qu'il avait
Mangé le lard et la chair toute crue ;
Mais ce lion (qui jamais ne fut grue)
Trouva moyen et manière et matière,
D'ongles et dents, de rompre la ratière,
Dont maître rat échappe vitement,
Puis met à terre un genou gentement,
Et en ôtant son bonnet de la tête,
A mercié mille fois la grand'bête,
Jurant le Dieu des souris et des rats
Qu'il lui rendrait. Maintenant tu verras
Le bon du compte. Il advint d'aventure
Que le lion, pour chercher sa pâture,
Saillit dehors sa caverne et son siège,
Dont (par malheur) se trouva pris au piège,
Et fut lié contre un ferme poteau.
Adonc le rat, sans serpe ni couteau,
Y arriva joyeux et esbaudi,
Et du lion (pour vrai) ne s'est gaudi,
Mais dépita chats, chattes, et chatons
Et prisa fort rats, rates et ratons,
Dont il avait trouvé temps favorable
Pour secourir le lion secourable,
Auquel a dit : " Tais-toi, lion lié,
Par moi seras maintenant délié :
Tu le vaux bien, car le coeur joli as ;
Bien y parut quand tu me délias.
Secouru m'as fort lionneusement ;
Or secouru seras rateusement. "
Lors le lion ses deux grands yeux vertit,
Et vers le rat les tourna un petit
En lui disant : " Ô pauvre verminière
Tu n'as sur toi instrument ni manière,
Tu n'as couteau, serpe ni serpillon,
Qui sût couper corde ni cordillon,
Pour me jeter de cette étroite voie.
Va te cacher, que le chat ne te voie.
- Sire lion, dit le fils de souris,
De ton propos, certes, je me souris :
J'ai des couteaux assez, ne te soucie,
De bel os blanc, plus tranchants qu'une scie ;
Leur gaine, c'est ma gencive et ma bouche ;
Bien couperont la corde qui te touche.
De si très près, car j'y mettrai bon ordre. "
Lors sire rat va commencer à mordre
Ce gros lien : vrai est qu'il y songea
Assez longtemps ; mais il le vous rongea
Souvent, et tant, qu'à la parfin tout rompt,
Et le lion de s'en aller fut prompt,
Disant en soi : " Nul plaisir, en effet,
Ne se perd point quelque part où soit fait. "
Voilà le conte en termes rimassés
Il est bien long, mais il est vieil assez,
Témoin Ésope, et plus d'un million.
Or viens me voir pour faire le lion,
Et je mettrai peine, sens et étude
D'être le rat, exempt d'ingratitude,
J'entends, si Dieu te donne autant d'affaire
Qu'au grand lion, ce qu'il ne veuille faire.
Illustration d'Hélène Barrieu |
(source) |
Toutes ces fables se ressemblent, écrites pourtant à des périodes différentes. Désolée, je n'ai pas pu lire la dernière :)
RépondreSupprimerben moi aussi, je suis plus à l'aise avec la fable de la Fontaine ...
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