mardi 25 août 2015

La fable du loup et du chien

Hier, je vous ai parlé des relations entre les chiens et les loups. Vous connaissez certainement la fable de La Fontaine qui décrit les comportements opposés de ces deux animaux : le chien accepte d'être enchainé et soumis du moment qu'il ait le ventre toujours plein; le loup, lui, préfère être affamé mais libre...


Le loup et le chien

Un Loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
"Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée :
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
"Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.

La Fontaine (17e siècle)

 Mais saviez vous que La Fontaine n'a pas été le premier à écrire cette fable ? Esope disait déjà vers le 5ème siècle avant JC :


Un loup voyant un très gros chien attaché par un collier lui demanda : « Qui t’a lié et nourri de la sorte ? — Un chasseur, » répondit le chien. « Ah ! Dieu garde de cela le loup qui m’est cher ! Autant la faim qu’un collier pesant. »

Cette fable montre que dans le malheur on n’a même pas les plaisirs du ventre.

Phèdre, un autre fabuliste du 1er siècle avant JC, réécrivait cette histoire de manière plus longue en lui donnant cette morale : " Je dirai en peu de mots combien la liberté est douce". Je ne vous reproduis pas ici la fable en entier, elle est très semblable à celle de La Fontaine mis à part qu'elle est écrite en prose, non en vers. Néanmoins, si vous souhaitez la lire, cliquez sur l'image.

http://fables-de-phedre.blogspot.fr/2011/09/le-loup-et-le-chien.html


 Au 12ème siècle, Marie de France, une des première écrivaine française, repris cette histoire sous le titre "La compengnie dcu Chien au Leu" :

 Uns Leus et uns Chiens s’encuntrèrent,
Parmi un Bos ù il alèrent.
Li Leus a le Kien esgardei,
E puis si a à lui pallei ;
Frère, fait-il, mult estes biaus,
E mult est luisanz vostre piaus [...]

Iconographie médiévale

A la même époque que La Fontaine, Isaac de Benserade adapte les fables d'Esope en quatrains (strophes de 4 vers). Ce qui nous donne :

Que tu me parais beau, dit le loup au limier,
Net, poli, gras, heureux et sans inquiétude !
Mais qui te pèle ainsi le col ? Mon collier.
Ton collier ? fi des biens avec la servitude.

Dépendre dans les fers du caprice d’un maître,
Dure condition, disait le loup au chien ;
Il lui fit bien connaître
Que sans la liberté, tout le reste n’est rien.

Plus tard, au 19ème siècle, Barthélémy de Beauregard écrit la suite de la fable de La Fontaine, commençant ainsi :


On sait comment le Loup de La Fontaine,
Craignant surtout d’être mis à la chaîne,

Aux reliefs qui tentaient ses appétits gloutons

Préféra les dangers d’une vie incertaine
Et conserva ses instincts vagabonds[...]

Bref, loups et chiens ont toujours beaucoup fait parler d'eux... Certainement qu'il existe d'autres versions de cette histoire, toujours est-il que La Fontaine n'a pas été le premier (ni le dernier !) a raconter cette histoire !!! 
Illustration de Benjamin Rabier (dessinateur de la vache qui rit) pour une publicité

2 commentaires:

  1. Bien intéressant ton article ! A la lecture de la fable "le chien et le loup", celle-ci me revient en mémoire, mais je l'avais oublié !
    Vivre libre ou dans une cage dorée ... Zézé a tout compris, elle profite des deux, liberté et confort !

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    Réponses
    1. En ce moment, c'est plutôt ronron et compagnie ! Elle a trop peur qu'on reparte ;-)

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