mercredi 19 décembre 2018

Chaque année, la veille de Noël, la Maison Perle s'ouvrait aux enfants. Ils arrivaient au galop en hordes barbares dans la rue, revenant de l'école avec leurs cartables. Ils s'arrêtaient essoufflés à la porte, restaient un peu sur le trottoir, prenaient le temps de recoller leurs cheveux en se regardant dans la vitrine, puis ils entraient un par un, sans se bousculer, visages d'angelots enrhumés dans leurs écharpes. (...)
Ils recevaient chacun une guimauve emballée dans un papier blanc imprimé de rouge pour l'occasion.
Le 24 décembre, les enfants avaient le droit de passer devant les clients qui se pressaient dans la boutique. Une fois servis, ils tardaient à repartir tant ils se sentaient bien. Chaque pas était au ralenti. Aucun d'eux, pourtant, n'aurait osé repasser deux fois au comptoir et risquer la condamnation aux "sept années". C'était la menace que répétait M. Perle. Sept années sans guimauve de Noël si on resquillait. Quand on a six ou huit ans, ces sept années valent la perpétuité.
Mais dans ce quartier juif de Paris, envahi de petits commerces et d'ateliers de confection, en cet hiver 1938, il valait mieux ne pas être capable d'imaginer ce que seraient devenues ces files indiennes d'enfants, sept ans plus tard, après la guerre, quand ils auraient à nouveau droit aux guimauves.

(Le Livre de Perle, Timothée de Fombelle)

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