On trouve encore mention de lièvre noirs enchantés dans les contes et légendes celtes. La couleur noire souligne son caractère fabuleux : le lièvre d'Europe, qu'on trouve à l'état sauvage dans les contrées celtes (Irlande, Grande-Bretagne, Bretagne et Gaule) est brun, roux-fauve, mais jamais noir.
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Par exemple, il existe une personnage nommé Caílte ou Caoilte aux longs-pieds, qui a un rapport avec les lièvres. En effet, il tire son nom de ses grands pieds qui le font ressembler à un lièvre, de son côté svelte (caol = "mince") et de sa rapidité.
Par exemple, dans une légende qui parle de la vie de Caoilte, il est raconté que son père, Diarmuid, était parti chasser un jour de neige quand il attrapa un lièvre noir. Alors qu'il allait le tuer, celui-ci se met à lui parler. De saisissement, Diarmuid s'évanouit. Quand il se réveille, le lièvre est toujours auprès de lui.
« N’aie pas peur de moi ; ce n’est pas pour te faire du mal, mais c’est pour te faire du bien que je suis venu vers toi cette fois-ci. Aie courage et écoute-moi. Tu es égaré maintenant ; tu as marché sur la motte d’égarement et tu serais mort dans la neige si je ne t’avais pas pris en pitié. Je sais bien que tu en as tué beaucoup de ma race, et ils ne t’avaient causé aucun dommage. Mais après le mal que tu as fait, je te ferai du bien. Raconte-moi maintenant quel est le plus grand désir que tu aies dans ton cœur, sauf le ciel et je te le donnerai. »
Diarmuid, qui vit avec une femme âgée et est lui-même très vieux, demande d'avoir un enfant. Le lièvre exauce son souhait et, en échange, Diarmuid promet de ne plus jamais chasser ceux de son espèce.
Quand l’enfant naquit, il n’était pas comme un autre petit enfant ; il avait quatre pieds [=1,20m] de haut ; il était aussi mince qu’un bâton et ses pieds avaient plus d’un pied [=30cm] de long.
Caoilte grandit et devient un coureur très rapide.
Par la suite, il lui arrive plusieurs fois de recroiser le lièvre fabuleux qui a causé sa naissance.
Une fois, le garçon lui sauve la vie alors que le lièvre se bat contre une sorcière changée en belette. Une autre fois, Caoilte fait semblant d'aider des chasseurs qui lui ont promis une récompense : tous les jours, il lève pour eux le lièvre noir mais celui-ci détale si vite que les chasseur ne parvienne jamais à le rattraper... Lassés et énervés, les chasseurs pensent que Caoilte est un démon : pour se venger, ils décident de venir brûler sa maison. Fort heureusement, le lièvre prévient Caoilte à temps :
« Caoilte, une troupe d’hommes va venir cette nuit pour brûler la maison, avec toi, ton père et ta mère, mais je mettrai un brouillard sur leurs yeux ; ils s’égareront et ils ne trouveront pas leur chemin vers ta maison ni vers les leurs jusqu’au matin, et s’ils font une seconde tentative contre toi, ils seront noyés dans le lac. »
Enfin, c'est le lièvre qui vient apprendre à Diarmuid que sa femme et lui vont mourir : à leur mort, il emmène Caoilte avec lui, comme il l'avait promis à son père.
« Ne t’inquiète pas de Caoilte, il est de ma tribu; je l’emmènerai chez moi et sur ma parole il y sera plus heureux que s’il était au milieu de ses voisins.»
De même, dans une autre légende qui parle de Caoilte (lui ou son homonyme), il est dit "Quoiqu’il fût né d’une femme, c’était le sang sauvage des lièvres enchantés qu’il avait en lui. "
Le sang des lièvres, c'est le sang des fées et des héros, de ceux qui habitent les sidh : Caoilte est donc un personnage hors du commun et non un simple mortel.
Dans un autre épisode, le lièvre sauve Caoilte qui s'apprêtait à boire une coupe de poison.
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On a pu voir, aussi, que dans cette histoire le lièvre est un adjuvant pour le héros : il l'aide au cours de ses périples.
(Pour lire ces conte en entier, vous pouvez cliquer ici ou ici.)
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Une autre histoire celte met en scène un lièvre noir fantastique : dans une chasse qui oppose un certain Tomâs Fuilteach (= Thomas le Sanglant) et le seigneur de Clare (un comté irlandais). Tômas est un personnage fourbe et rusé. Il met au défi le seigneur de Clare, qui se vante d'avoir une très bonne chienne de chasse, d'attraper une hase noire. Comme le seigneur n'y parvient pas, Tômas déclare avoir gagné son pari, mais son adversaire proteste : ce doit être un lièvre enchanté, donc ça ne compte pas ! Aucun chien au monde ne pourrait l'attraper !
Les deux hommes se battent:
Le seigneur de Clare lança à Tomâs Fuilteach un coup qui lui immobilisa la main droite, et par suite, il allait avoir le dessus, lorsque la hase arriva ; elle lança au seigneur de Clare un jet d’eau entre les deux yeux, et peu s’en fallut qu’elle ne l’aveuglât. Lorsqu’il fut à moitié aveugle, Tomâs Fuilteach lui donna un coup de pointe dans le ventre et ses entrailles se répandirent sur l’herbe.
Le seigneur de Clare est tué et Tômas Fuilteach, qui une fois de plus a fait honneur à son nom, enterre son cadavre dans le "trou puant" de la hase.
La hase noire, c’était la grand-mère de Tomâs Fuilteach, et elle pouvait se changer en belette, anguille ou toute autre chose, n’importe quand.
Contrairement au conte précédent, on voir donc qu'ici, s'il est toujours en lien avec la magie, le lièvre est plutôt du côté du mal que de celui du bien.
Illustration de Chiara Magnani (source) |
(Vous retrouverez cette histoire ici)
Je préfère effectivement le 1er conte de cette publication, le compromis passé entre Diarmuid et Caoilte.
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