Expansion des léporidés : conquêtes phéniciennes et romaines

 Difficile d'imaginer un monde sans lapin !

Pourtant, à l'origine, lapins de garenne et lièvres ne se rencontraient pas partout dans le monde. 

Ainsi, le lièvre est originaire des grandes steppes asiatiques. De son côté, le lapin, du moins le lapin de garenne (le plus commun au niveau sauvage et l'ancêtre des races domestiques), se cantonnait à l'origine à l'Afrique du Nord et l'Europe Occidental. Il a ensuite été introduit partout dans le monde, avec l'aide de l'Homme, comme nous allons le voir. 

Aujourd'hui, les lapins sont si répandus qu'ils peuvent même être considérés comme une espèce invasive !

A l'origine, donc. Les plus anciens fossiles de lapins datent de 6 millions d'années et ont été exhumés en Andalousie. C'est dans cette même région que les Phéniciens (un peuple de navigateurs de la côte Est de la Méditerranée, qui correspond au littoral du Liban) découvrent le lapin, vers -1000, quand ils abordent la péninsule ibérique.

Les Phéniciens sont frappés par ces animaux terrassiers qui pullulent dans cette région-là. Ils ignoraient alors tout du lapin, il leur a donc fallu un objet de comparaison : pour eux, les lapins rappelaient les damans de leur propre pays. Les damans sont des petits mammifères fouisseurs qui ressemblent un peu à des marmottes ou des rongeurs, mais qui en réalité appartiennent à la famille des... éléphants ! 

 

Un daman
(source)

 Bref, après avoir fait ce rapprochement entre lapins et damans, les Phéniciens ont appelé ce territoire "I-Saphan-Im", soit "le pays des damans" ("saphan" = daman en phénicien).

Grâce aux merveilleux méandres des langues et de l'étymologie, cette dénomination, en passant par le latin, deviendra Hispania, España, Espagne... Vous savez donc maintenant que le mot "Espagne" est né grâce aux lapins ! Quelle histoire ! 

Pièce de monnaie du Ier s. représentant l'Espagne allongé avec un rameau d'olivier, avec un lapin à ses pieds
(source)

Par la suite, le lapin atteint le Sud de la France avant de se répandre dans tout le territoire de l'Empire Romain. 

Ainsi, au Ier s. av. J.C. dans son livre De l'Agriculture, Varron écrit : On compte trois espèces de lièvres. La première est notre lièvre d’Italie, qui a les pattes courtes par-devant et très longues par derrière, le poil fauve sur le dos, blanc sous le ventre, de longues oreilles. [...] La seconde espèce, que l’on rencontre dans la partie de la Gaule voisine des Alpes, ne diffère de la première que par le pelage, qui est tout blanc. On en apporte rarement à Rome. La troisième espèce, qu’on appelle aussi cuniiculi (lapins), est originaire d’Espagne, et ressemble beaucoup aux nôtres; sauf pour leur taille, qui est plus petite

 

On voit donc que Varron ne différencie pas les lièvres et les lapins : il fait de celui-ci une variante ibérique du lièvre qu'il connaît bien. 

 

La chasse aux lièvres, mosaïque de Thysdrus