jeudi 1 septembre 2022

Le corbeau dans les contes de fées (1)

Outre la fable, un autre genre littéraire connaît un vif essor et rencontre un grand intérêt à partir du XVIIe siècle : le conte de fées. 
Même si les contes ont toujours existé, au moins de manière orale, c'est à cette époque qu'ils sont recueillis, recensés, et retranscrits par des compilateurs tels que les frères Grimm, Perrault ou encore Andersen. Ces retranscription donnent parfois lieu à de nouvelles créations : les compilateurs utilisent des motifs récurrents pour écrire leurs propres contes. 
 
Nous allons évoquer quelques histoire pour voir quelle place occupe le corbeau dans le conte. Je me bornerai à vous résumer les contes. Pour les lire en entier (ce que je vous conseille vivement !), il vous suffira de cliquer sur le titre qui vous emmènera le texte en question. 

*Dans Le Corbeau, conte italien du Pentamerone de Giambattista Basile, un Roi voit un corbeau mort sur une pierre et souhaite trouver une femme qui soit à la fois aussi noire que le corbeau, aussi rouge que son sang et aussi blanc que la pierre (vous avez sans doute reconnu un motif repris dans Blanche-Neige).  
(Voici le lien pour lire le texte en Anglais... Désolée, je ne l'ai trouvé ni en français, ni en italien d'origine !)
 
Illustration de Benjamin Lacombe pour Blanche-Neige
 
*Justement, dans Blanche-Neige (Grimm), on remarque la présence d'un corbeau lorsque la Princesse est placée dans son cercueil de verre et surveillée par les nains : "Les oiseaux vinrent aussi pleurer Blanche-Neige : le premier fut un hibou, le second un corbeau, et le troisième une colombe."
 
Illustration de Michelangelo Rossato

 
*Dans La Fiancé du Petit Lapin (Grimm), l'histoire d'un lapin qui veut forcer une fillette à se marier avec lui, le corbeau est au nombre des invités : c'est lui le curé qui doit unir les époux.
 
Illustration de 1910

*Dans Le serpent blanc, un jeune homme mange un morceau de serpent blanc, plat de résistance de son Roi qui lui permet de comprendre les animaux. Après avoir gagné un cheval et de l'argent pour partir en quête d'aventure, le jeune homme vient en aide à des poissons, des fourmis, et surtout (ce qui nous intéresse) des corbillats. Ceux-ci, conformément à la tradition, sont repoussés par leurs parents
 
"Comment pourrions-nous, pauvres petits que nous sommes, subvenir à nos besoins alors que nous ne savons même pas voler! Nous allons mourir de faim!" 
Le jeune homme descendit aussitôt de son cheval, le transperça de son épée et l'abandonna aux jeunes corbeaux pour qu'ils aient de quoi se nourrir. Les petits s'approchèrent et, après s'être rassasiés, crièrent: 
"Nous ne t'oublierons pas et te revaudrons cela un jour!"
 
En effet, les corbeaux tiennent parole. Le garçon arrive sur les terres d'un Roi qui donnera la main de sa fille à celui qui accomplira trois épreuve. Le héro est aidé par les poissons puis les fourmis pour les deux premiers défi. Le dernier (trouver une pomme d'éternité), il le résout grâce aux corbeaux :
 
"Nous sommes les trois jeunes corbeaux que tu as sauvés de la famine. Nous avons appris que tu étais en quête de la pomme d'or et c'est pourquoi nous avons traversé la mer et sommes allés jusqu'au bout du monde où se trouve l'Arbre de Vie pour t'apporter cette pomme."  

 

(source)

 
 * De même, dans La Belle aux cheveux d'or (de Mme d'Aulnoy) et dans Le Bon petit Henri (de la Comtesse de Ségur), le héros aide un corbeau qui, en retour, l'aidera à surmonter des épreuves. 
 
*Dans Le Fidèle Jean (Grimm), un roi, près de mourir, demande à son fidèle serviteur Jean de prendre soin de son fils après son décès. Il doit surtout prendre garde à ce que le garçon ne voit pas le portrait de la Princesse du Dôme d'Or. Malheureusement, le nouveau Roi voit le portrait et tombe amoureux de la Princesse. Il part à sa recherche, accompagné de Jean. Quand ils la ramène sur leur bateau, Jean "aperçut dans l’air trois corneilles qui vinrent se poser devant lui. Il prêta l’oreille à ce qu’elles se disaient entre elles, car il comprenait leur langage. 
Eh bien ! disait la première, il emmène la princesse du Dôme d’or ! 
— Oui, répondit la seconde, mais il ne la tient pas encore. 
— Comment ? dit la troisième ; elle est assise près de lui.
 
En écoutant, Jean comprend que trois épreuves attendent le Roi s'il veut garder sa femme : il ne devra pas monter sur un cheval roux en descendant de bateau, ne devra pas porter une tunique piégée et il faudra sauver la Reine en suçant trois gouttes de sang sur son épaule quand elle tombera comme morte lors de ces noces. Jean est bien content de savoir tout cela, mais il ne peut en parler à personne sous risque d'être changé en pierre...
Le fidèle serviteur évite les trois catastrophes prédites par les corneilles... mais pour se disculper alors qu'on veut l'arrêter (il a tout de même "vampirisé" la Reine), il doit tout raconter. Du coup, il se retrouve transformer en statue. (Mais je vous rassure, lui-même sera sauvé par la suite.)
 
Illustration d'Hermann Vogel

*Dans La Reine des Neiges (Andersen), deux corneilles (ou corbeaux, c'est selon la traduction), interviennent dans un épisode. Pour mémoire, vous pouvez relire les articles dédiés à ce conte en cliquant ici pour le premier. Sinon, je vous rappelle que cette histoire met en scène deux enfants, Gerda et Kay. Kay est ensorcelé et enlevé par la Reine des Neiges qui le tient prisonnier dans son palais de glace. Alors, la courageuse petite Gerda part à sa recherche. 
Dans le cinquième épisode de ce conte qui en totalise sept, Gerda rencontre une corneille des bois. 
 
"La corneille agita la tête de droite et de gauche et cria : « Crah, crah, g’tak, g’tak ! » C’est à peu près ainsi qu’on dit bonjour en ce pays, mais la brave bête avait un mauvais accent. Si elle prononçait mal, elle n’en était pas moins bienveillante pour la petite fille, et elle lui demanda où elle allait ainsi toute seule à travers le vaste monde."
 
Gerda raconte à la corneille ce qui l'emmène chez loin de chez elle : elle cherche un petit garçon qui voyage en traîneau. La corneille, croyant se rendre utile, apprend à la fillette que la princesse de ce pays s'est marié, il y a peu, avec un garçon qui ressemble fort à la description de Kay. 
 
"Ma foi, si je n’étais pas une corneille, c’est moi qui l’aurais pris pour mari."
 
Gerda, pleine d'espoir, demande à être introduite au palais pour retrouver Kay. Mais la corneille lui rappelle qu'une petite errante comme elle, sans beaux habits et surtout sans chaussure, ne pourra pas être introduite dans le palais. Heureusement, son propre fiancé, une corneille apprivoisée, vit au palais. Il connaît des passages dérobés et peut mener Gerda jusqu'au prince et à la princesse.
Hélas, le prince n'est pas Kay ! Gerda est si triste qu'elle pleure jusqu'à en réveiller les deux époux. Bienveillants, ceux-ci lui fournissent des vêtements, des chaussures et autres affaires pour poursuivre sa route. Pour remercier les corneilles de leur aide, ils les nomment "corneilles de la chambre", ce qui leur donne droit à manger toutes les miettes de la table. 
Illustration d'Arthur Rackham



*Dans le conte russe Maria Morevna, le Tsar Ivan a trois sœurs, lesquelles épousent des hommes capables de se transformer en aigle, en faucon et en corbeau. Ces trois hommes-oiseaux sont bons avec leurs épouses, et ils aident Ivan à retrouver sa propre femme, Maria Morevna.
 
Illustration de Boris Zvorykine

*Plus tard, dans Pinocchio (en 1888) le corbeau comptera au nombre des pseudo-médecins incompétents qui doivent soigner la marionnette. 

***
Nous évoquerons demains quelques exemples de contes où les personnages sont transformés en corbeaux. Pour le moment, nous pouvons déjà remarquer que, dans la plupart des contes de fées où ils interviennent, les corbeaux sont majoritairement bons : ils aident les héros à surmonter des épreuves. 
Survivance païenne d'anciens cultes du corbeau ?

4 commentaires:

  1. oui, aujourd'hui, nous restons sur une note positive, tout est bien qui fini bien ! Respect pour le corbeau, mais demain sera un autre jour ???
    encore une fois, les illustrations sont belles, notamment celle de Blanche-Neige.

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  2. oups ! je viens de voir que le t de fini est resté en chemin ! Tout est bien qui finit bien, comme ça, c'est mieux non ?

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    1. Le T a été mangé par un corbeau ^^
      J'aime beaucoup les illustrations de Benjamin Lacombe également (l'illustrateur de Blanche Neige). Ses "Alice" font partie de mes petits chouchous !

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  3. L'ai passé un bon moment à découvrir ces jolis contes de fées

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