Influencé par des siècles d'histoires morbides, par les Dictionnaires et autres Histoires Naturelles qui insistent sur l'aspect nécrophages et funeste de cet oiseau, les auteurs romantiques (courant littéraire qui naît à la fin du XVIIIe s. et prend son essor au XIXe s.), puis symbolistes (à partir du XIXe s.) réutilise l'image de cet oiseau.
Nous en avons déjà eu un petit exemple avec le poème de Leconte de Lisle : le corbeau est pour ses auteurs un symbole macabre, une représentation de la mort, la maladie, la guerre, voire la mélancolie. Il est associé à l'humeur sombre et à des tableaux noirs.
Pour exemple, nous pouvons prendre le poème Le Corbeau d'Edgar Allan Poe (auteur américain du XIXe s. surtout connu pour ses contes et poèmes fantastiques-macabres). Dans ce texte, le narrateur ressasse de tristes pensées à propos de sa défunte bien-aimée, quand il entend frapper à la porte. Lorsqu'il ouvre, il s'attend presque à trouver le fantôme de son aimée... Mais c'est un corbeau qui entre. A toute les questions que lui pose le narrateur, le corbeau répond "Nevermore" (=Jamais plus). Lorsque vient la dernière demande, à savoir s'il reverra un jour l'âme de son amour, le narrateur ne peut supporter d'entendre "Jamais plus".
Le corbeau figure donc ici une sorte de démon, un cauchemar et un messager de mauvais augure.
Vous pouvez lire une traduction de ce poème par Charles Baudelaire en cliquant ici. |
Illustration de Manet
|
Je vous laisse aussi lire, si vous en avez envie, deux poèmes d'auteurs symbolistes qui ont écrit en langue française :
Les Corbeaux
par Paul Verlaine (auteur français)
Seigneur, quand froide est la prairie,
Quand dans les hameaux abattus,
Les longs angelus se sont tus
Sur la nature défleurie,
Faites s’abattre des grands cieux
Les chers corbeaux délicieux.
Armée étrange aux cris sévères,
Les vents froids attaquent vos nids !
Vous, le long des fleuves jaunis,
Sur les routes aux vieux calvaires,
Sur les fossés et sur les trous,
Dispersez-vous, ralliez-vous !
Par milliers, sur les champs de France,
Où dorment les morts d’avant-hier,
Tournoyez, n’est-ce pas, l’hiver,
Pour que chaque passant repense !
Sois donc le crieur du devoir,
Ô notre funèbre oiseau noir !
Mais, saints du ciel, en haut du chêne,
Mât perdu dans le soir charmé,
Laissez les fauvettes de mai
Pour ceux qu’au fond du bois enchaîne,
Dans l’herbe d’où l’on ne peut fuir,
La défaite sans avenir.
|
L'arbre aux corbeaux par Caspar David Friedrich (1822) |
Les Corbeaux
par Emile Nelligan (auteur québecois)
J’ai cru voir sur mon cœur un essaim de corbeaux
En pleine lande intime avec des vols funèbres,
De grands corbeaux venus de montagnes célèbres
Et qui passaient au clair de lune et de flambeaux.
Lugubrement, comme en cercle sur des tombeaux
Et flairant un régal de carcasses de zèbres,
Ils planaient au frisson glacé de nos ténèbres,
Agitant à leurs becs une chair en lambeaux.
Or, cette proie échue à ces démons des nuits
N’était autre que ma Vie en loque, aux ennuis
Vastes qui tournant sur elle ainsi toujours
Déchirant à larges coups de bec, sans quartier,
Mon âme, une charogne éparse au champ des jours,
Que ces vieux corbeaux dévoreront en entier.
|
Illustration de John Tenniel (surtout connu pour ses dessins d'Alice au Pays des Merveilles) pour le poème d'E.A. Poe
|
je viens juste de voir que j'avais "sauté" la publication du corbeau romantique. oups ! oups !
RépondreSupprimerJ'ai rattrapé mon retard par la lecture de ces poèmes, beaux poèmes d'ailleurs, et j'ai bien apprécié l'illustration de l'arbre aux corbeaux. J'adore les photos des arbres aux troncs et racines tordus.
Emile Nelligan dans son poème parle de sa souffrance intérieure comme mangée par un corbeau, j'ai troué cette image très forte. Dans l'illustration de l'arbre mort, je vois le vent qui a déformé ses branches, les corbeaux qui viennent s'y installer lui donnent vie
RépondreSupprimerComme vous, j'aime bien les arbres tordus... surtout quand ils sont dénudés par l'Hiver et habillés de corbeaux ! ;-)
RépondreSupprimer