Par ailleurs, vous savez que le lapin est un animal terrassier : il vit sous terre comme les démons, qui sait si ses terriers ne conduisent pas en Enfer ? De là à en faire un animal démoniaque, il n'y a qu'un pas... qui a été franchi au Moyen Âge !
Le lièvre a pu, donc incarner le diable. Certainement que ses oreilles qui rappelaient des cornes, ses pieds tordus et son regard "oblique" ont
contribué à cette assimilation. En voyant des oreilles dépasser des
épis d'un champ, on pouvait facilement les pendre pour des cornes de
diable.
Dans le Décrétale de Grégoire IX (XIIIe s.), on trouve des exemples de personnages chimériques et diaboliques avec des oreilles de lapin |
Les sorcières, nous en reparleront, se sont vus étroitement liées à ces animaux. Le Diable lui-même pouvait prendre la forme d'un lièvre. Les enfants qui naissaient avec un bec-de-lièvre étaient vu comme le résultat d'une fornication entre leur mère et Satan... et eux-mêmes pouvaient être vus comme des sorciers.
Dans ce manuscrit du Roman de la Rose (XIVe s.) , ce démon qui conduit des âmes en Enfer a indubitablement un air de lapin |
Et le voilà qui fait rôtir les pécheurs. |
Les histoires de "chasses fantastiques" ou "Mesnie Hellequin"
(sorte de chasses-fantômes) ont aussi pu être causés par des lièvres :
d'honnêtes gens, parfois des seigneurs, parfois des ecclésiastiques
selon les versions, sont partis chasser le lièvre pendant une sainte
journée, Pâques par exemple. Ils manquent donc la messe... et pour les
condamner, Dieu les fait poursuivre éternellement leur chasse, après le
même lièvre que jamais ils n'attrapent.
Dans le Gers, on raconte qu'un prêtre, entendant ses chiens aboyer après un lièvre, quitta précipitamment son office pour récupérer leur proie... Dieu le punit en le faisant chasser pour l'éternité.
De même, une légende de Meylan
(près de Grenoble) raconte qu'autrefois, un prêtre interrompit sa messe
en entendant son chien japper contre un lièvre. Pour le punir, Dieu engloutit son église et tous les fidèles dans un lac sans fond. Les soirs de Pleine Lune, on peut entendre leurs gémissements montés des eaux noires du lac...
Un diable à oreilles de lapins dans le Décrétale de Grégoire IX (XIVe s.) |
Dans le même état d'esprit, le lièvre s'est vu un motif récurent du thème des "Trois morts et des trois vifs". Ce sujet était très prisé au Moyen Âge : il raconte l'histoire d'un certain nombre de vivants, souvent trois, qui s'en vont chasser ou chercher aventure. En chemin, il rencontre des squelettes avec qui ils discutent et qui leur prouve la futilité des biens terrestres : riches ou pauvres, tous finiront comme eux, de simples cadavres pourrissants.
Dans certaines versions, les vivants partent à la chasse et poursuivent un lièvre quant ils tombent sur les morts : ceux-ci les invite à poursuivre la chasse ensemble, et la partie s'éternise jusqu'à ce que les vifs deviennent morts à leur tour...
Ce thème a été très représenté dans les poésies et l'iconographie médiévale.
Ici dans la chapelle des Fontmorand (église de Prissac) une fresque du XVe s. illustre cette légende |
Cette
idée d'un lièvre lié à quelque sorcellerie a la peau dure puisqu'au
XVIIIe s., on prétend encore que la maison de John Wesley, le fondateur
de l'Eglise méthodiste, "fut visitée aussi par un esprit frappeur. Il
se montra un jour sous la forme d’un basset, un autre jour sous celle
d’un petit lapin, qui disparut lorsqu’on voulut le toucher avec des
pincettes." (d'après le Dictionnaire infernal de Colin de Plancy)
Tes deux articles sont agrémentés de belles images. Les légendes étaient nombreuses au Moyen Age, les gens y croyaient
RépondreSupprimercomme quoi, le lièvre a subi un délit de faciès dès le Moyen Àge...
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