Aujourd'hui, je vous propose de lire une fable de Marie de France, composée à la fin du XIIe siècle. Lisez d'abord la version en ancien français pour profiter de la couleur des mots et, si vous le pouvez, comprendre ce texte dans sa langue d'origine. Je vous donne ma propre version modernisée juste après.
La version calligraphiée (manuscrit du XIIIe s.):
Dou lièvre et dou Cers
Uns lièvres vit un Cerf ester
Ses cornes se prist à esgarder,
Mult li senla bele sa teste;
Plus se tint vix que nul beste,
Quand autresi n’esteit cornuz,
E qu’il esteit si poi créuz.
Uns lièvres vit un Cerf ester
Ses cornes se prist à esgarder,
Mult li senla bele sa teste;
Plus se tint vix que nul beste,
Quand autresi n’esteit cornuz,
E qu’il esteit si poi créuz.
A la Divesse ala paller,
Si li cumence à demander
Pur-coi ne l’ot si huneré,
E de cornes si aturné
Cume li Cers k’il ot véu.
Si li cumence à demander
Pur-coi ne l’ot si huneré,
E de cornes si aturné
Cume li Cers k’il ot véu.
La Destinée a respundu :
Tais toi, fet-ele, lai ester,
Tu nès purreies guverner;
Si ferai bien, il li respunt.
Tais toi, fet-ele, lai ester,
Tu nès purreies guverner;
Si ferai bien, il li respunt.
Dunt eut cornes el chief à-munt
Mais nés pooit mie porter,
Ne ne pooit à tot aler;
Qar plus aveit q’il ne déust
E qu’à sa grandur n’estéut.
Mais nés pooit mie porter,
Ne ne pooit à tot aler;
Qar plus aveit q’il ne déust
E qu’à sa grandur n’estéut.
Par cest essample woel mustrer
Que li rique hume et li aver
Vuelent tuz-jurs trop cuvietier,
E si vuelent eshaucier;
Tant emprennent par lor ustraige
Que lor honur turne à damaige.
Que li rique hume et li aver
Vuelent tuz-jurs trop cuvietier,
E si vuelent eshaucier;
Tant emprennent par lor ustraige
Que lor honur turne à damaige.
Enluminure d'un livre de Fables du XVe s. |
Du Lièvre et du Cerf
Un Lièvre vit un Cerf se reposer
Ses cornes se prit à regarder
Moult lui sembla belle sa tête;
A force de se tenir là, il vit que nulle bête
N'était pareillement cornu,
Et que c'était peu croyable.
A la Déesse alla parler
Et commence à lui demander
Pour quoi ne l'a-t-elle ainsi honoré
Et de cornes ainsi doté
Comme le Cerf qu'il a vu.
La Destinée a répondu :
Tais-toi, fit-elle, être laid,
Tu ne pourrais les gouverner [= les supporter]
Si, fort bien ! lui répondit-il.
Donc il eut des cornes au-dessus du chef,
Mais ne put les porter mie
Ni ne put avec marcher
Car il avait plus qu'il n'aurait dû
Et qu'à sa grandeur il convenait
Moralité :
Par cet exemple je veux montrer
Que le riche homme et l'avare
Veulent toujours trop convoiter
Et s'ils se voient exaucer
Tant entreprennent pour leur usage
Que leur honneur tourne en dommage.
Livre d'amitié de Johann Michael Weckherlin (XVIe s.) : un cerf et un lièvre partent chasser ensemble |
Ainsi donc, un lièvre serait ridicule de vouloir une ramure de cerf... Bien qu'étymologiquement, son nom signifie "petit cerf" dans certaines langues ! Il doit se contenter de ses grandes oreilles, la nature fait bien les choses 😉
Ainsi le lièvre envierait les cornes du cerf ! Ce qui serait lourd pour sa petite taille et le freinerait dans sa course. Oui, la nature fait bien les choses :-)
RépondreSupprimerEh oui, chacun ses qualités !
SupprimerHeureusement que tu as fait la traduction, je n'ai rien compris en vieux français 😂 c'est un bel écrit.
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