vendredi 6 août 2021

L'ours dans "Le Roman de Renart"

  Vous vous en souvenez certainement car je vous en ai déjà parlé, Le Roman de Renart est un phénomène culturel et littéraire du Moyen Âge.  
Dans ces histoires anthropomorphique qui mettent en scène des animaux aux traits humains, l'ours a déjà cédé sa place au lion : le roi de cette société est Noble le Lion, tandis que l'Ours Brun (ou Bruin, ou Bruno, mais dans tous les cas il s'agit d'une référence à sa couleur) n'est qu'un baron
 
On peut voir dans cette illustration la hiérarchie Lions/Ours
(source)

Par opposition à Renart ce filou, ou même à Noble qui, s'il est dupé, reste quand même le Roi, Brun ne se tire jamais bien des ruses de Renart. 
Plusieurs mésaventures lui arrivent à cause de sa gourmandise, notamment de son goût pour le miel...
 
*Dans un épisode, il raconte comment Renart lui a fait miroité un bon pot de miel, propriété d'un certain Constant Desnoix. Les deux compères se rendent chez cet homme pendant la nuit... Mais au lieu de voler immédiatement le miel, Renart préfère passer par le poulailler : les poules se mettent à caqueter, ce qui réveille Constant et ses chiens. Alors, Renart prend la fuite à toute vitesse. Brun, moins rapide, écope de la colère du vilain et de ses mâtins, sans avoir pu goûter au miel... 
 
Manuscrit du XIVe s.

*Pour punir Renart de tous les crimes qu'il a commis, on lui demande de venir à la cour du Roi Noble : il devra alors jurer allégeance au Roi en posant la patte sur les crocs de Ronel, un gros mâtin qui compte mordre le goupil au passage. Tibert le chat et Brun l'ours vont prévenir Renart. Celui-ci feint d'accepter de les suivre, mais il prétend qu'il doit d'abord se rendre chez le paysan Froment qui a promis de lui donner sept belles oies... 
"« Il y a aussi du bon miel nouvellement recuit, je vais en manger aujourd'hui, je crois. »
Quand Brun entend parler de miel, il dit alors qu'il veut y aller avec lui et Tibert le chat."
Evidemment, pendant que Tibert et Brun sont en train de se régaler, Renart s'enfuit en fermant la fenêtre derrière lui, de sorte que le chat et l'ours se font battre par le paysan.  

 
L'arrestation de Renart (source)

*Plus tard, Noble envoie Brun quérir Renart pour son procès. Quand il arrive au logis du goupil, l'ours le trouve en train de faire un festin. Renart énumère tout ce qu'il mange, et quand il arrive au mot "miel", Brun tend l'oreille. 
 
"« Nomini patre christum fil, ami ! où pouvez-vous donc trouver tant de miel ? Ne voudriez-vous pas m’y conduire ? par la corbieu ! c’est la chose que j’aime le mieux au monde. » Renart étonné de le trouver si facile à empaumer, lui fait la loupe [lui tire la langue], et l’autre ne s’aperçoit pas que c’est la courroie qui doit le pendre"
Renart conduit ainsi Brun jusqu'à l'orée du bois, où se trouve un tronc fendu  à l'intérieur duquel des abeilles ont établi leur ruche. Le forestier, pour conserver cette ruche, a posé des coins entre les côtés de l'arbre pour l'empêcher de se refermer. Mais alors que l'ours est en train de se régaler, la tête dans le trou, Renard retire les coins : le tronc se referme, Brun est coincé... Et pire : voilà qu'arrive le forestier ! L'ours sait qu'il risque d'être mortellement rossé par l'homme et ses chiens : il préfère sacrifier la peau de sa tête pour sortir de cette chausse-trappe.
"On n’eût pu tailler une bourse dans la peau qu’il en rapportait, et jamais si hideuse bête ne courut risque d’être rencontrée". 
Il n'est pas au bout de ses peines puisqu'il rencontre encore un Père abbé qui le frappe sans hésiter.  
 
Par ailleurs, quand il réclame justice, il n'obtient pas réparation : moins beau parleur que Renart, il n'arrive pas à convaincre son auditoire
"Renart a bien parlé" lui dit-on "et vous-même êtes complètement rétabli.". 
On lui demande aussi d'apporter des preuves ou de citer des témoins. "Des témoins, répond Brun, pour quoi faire ? N'ai-je pas assez saigné pour que cela suffise comme témoignage ?". 
Ce à quoi on lui réplique : "Si vous n'avez que ça à dire, vous vous êtes levé pour rien. [...] car Renart a très bien expliqué qu'il ne vous a pas touché" (et en effet, il n'a touché que les coins qui retenaient le tronc ouvert). 
 
Manuscrit du XVIIIe s. (l'ours figure probablement en 2e place à table, en partant de la gauche)


En somme, Brun n'est pas du tout un allié de Renart, au contraire de certains personnages comme Grimbert le blaireau par exemple. Au contraire, Brun est fidèle au roi Noble et ne cesse de demander vengeance pour les tours que lui a jouer le goupil. Il réclame sa pendaison et assiège sa forteresse sans aucune concession, se range du côté d'Ysengrin le loup lors du duel qui oppose le loup au renard, se réjouit chaque fois qu'il pense Renart blessé, attrapé ou mort.
 
Renart mené au gibet
(Johann Heinrich Wilhelm Tischbein)
 

3 commentaires:

  1. Pauvre Brun, il en subit des mésaventures avec ce sacré goupil... Et toujours il recommence, faut pas être trop malin quand même. Ce que la gourmandise peut faire ...

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  2. La gourmandise est un pêché, Brun en fait les frais

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  3. Heureusement qu'on n'est plus au Moyen Âge et que la gourmandise n'est plus un péché alors ! =D

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