mercredi 13 septembre 2023

Le lièvre dans l'Egypte antique

Nous avons beaucoup parlé du lièvre pour les civilisations européenne et la culture occidentale : pour finir l'Eté, nous allons nous intéresser (assez rapidement car les jours passent et l'Automne approche!) aux oreillards vu par les autres peuples.
 
***
 
Les Égyptiens, au temps des Pharaons, connaissaient déjà bien le lièvre et l'avait apparemment intégré, non seulement à leur panthéon, mais également à leur système graphique. 
 
Tombeau du scribe Userhêt (vers le XVe s. av. J.C)

 
 Il faut savoir que le lièvre le mieux connu des Egyptiens n'est pas, vous vous en doutez, le lièvre d'Europe si répandu en France. Il s'agit du lièvre du désert, sous-espèce du lièvre du Cap (Lepus capensis aegyptius pour les savants). 
 
Lièvre du Cap (source)

 
Ce lièvre a servi de référence pour un hiéroglyphe :
 

Il est translittéré par les lettres wn, qui représenteraient plus ou moins le son "oune", "oon". Pour donner l'idée de la fin de ce son, le hiéroglyphe lièvre est parfois associé à celui de la lettre N (les vagues). 
 
Temple d'Efdou en Egypte

Cependant, la plupart du temps, il était simplifié  : les scribes écrivaient seulement le lièvre, la vague était sous-entendue. 
Au Ier siècle, l'historien romain Plutarque a écrit :  "La finesse de son ouïe [=du lièvre] passe pour être excessive; et, par l'admiration qu'elle leur inspire, les Égyptiens, dans leurs hiéroglyphes, désignent l'ouïe par une oreille de lièvre."
 
Certains chercheurs ont, plus récemment, vu dans ce hiéroglyphe un idéogramme qui représenterait le verbe "wenen"("wnn") qui veut dire "être" /"exister" , ou encore le verbe "oun" ("wn") qui signifiait "ouvrir". 
 
wnn "exister"

wn, "ouvrir"

Il entre aussi dans la composition du mot "heure", "ounout" (=la mesure de l'existence), ainsi que dans le mot "manger", "wenem" ("wnm") ( = nécessaire pour pouvoir exister).
 
wnm, "manger"
***
Ce n'est pas tout. Le lièvre est, non seulement une lettre, mais surtout un symbole fort dans l'Egypte antique. Comme beaucoup d'Anciens, les Egyptiens pensaient que le lièvre dormait les yeux ouverts. Cette capacité, mise en association avec ses grandes oreilles, a érigé le lièvre au rang de symbole de la vigilance. 
 
Au niveau symbolique, le lièvre a pu revêtir un côté ambigu, comme dans diverses civilisations. Ses grandes oreilles le rapprochent du dieu Seth, personnage maléfique, fripon, maître du désert et du chaos. En effet, l'animal qui le représente ne correspond à aucun animal connu, mélange de fennec, d'okapi ou de chacal... avec des grandes oreilles de lièvre ou d'âne. Impossible, donc, de ne pas penser à Seth quand on voit un lièvre ! 
 
hiéroglyphe de Seth

Néanmoins, le lièvre est aussi lié à la renaissance (de par sa fécondité et son abondance, comme dans bien des cultures). Il est en particulier associé au mythe d'Osiris, l'un des dieux principaux du panthéon égyptien, le Roi de l'Au-Delà et inventeur de l'agriculture (domaine très important, surtout dans un pays aride comme l'Egypte). Selon la légende, Osiris a été découpé en morceaux par son frère Seth. Heureusement, sa sœur Isis a rassemblé les fragments de son corps et a pu lui rendre la vie : Osiris représente donc le ressuscité, le triomphe de la vie contre la mort. De fait, il est parfois représenté sous les traits d'un lièvre et surnommé Sekhât ou Ounen-nefer, expressions qu'on a traduites par "le Lièvre parfait". 
 
 ***
Le lièvre est aussi le symbole de la déesse Ounout (ou Ounet), dont le nom est parfois translittéré "Wnt" ou "Wnn nwt" en égyptien ancien. 
Le hiéroglyphe lièvre entre donc dans son nom bien entendu !
 

 Surnommée "la Rapide" et au départ associée à un serpent, elle a ensuite pris les traits d'une femme à tête de lièvre. Elle est lié au Nome du Lièvre (un nome est l'équivalent d'une province dans l'Egypte antique, qui était divisée en 38 à 42 nomes qui disposait chacun de sa capitale, son dirigeant nommé nomarque et son symbole totémique). 
 
Sarcophage du Xe s. av. J.C

 
Temple d'Horus à Edfou (environ IIIe s. av. J.C)
 
***
Grâce à sa vigilance, sa capacité à fuir et ses yeux toujours ouverts, le lièvre est vu comme le protecteur du sommeil. On a ainsi pu retrouver des amulettes protectrice en forme de lièvre. 
 
 
amulette du VIe s. avant J.C. conservée à Montréal

Amulette datant d'entre le VIIe et le IVe s. av. J.C conservée au Louvre

Le sommeil étant une porte (ou un vestibule) sur le royaume des morts, le lièvre, d'autant plus qu'il est associé à la renaissance, est lié à l'au-delà. Dans le Livre des Morts (texte sacré des anciens Egyptiens), on trouve des formules funéraires telles que "Je suis un lion, je suis un lièvre" ou "j'entrerai [dans le royaume des morts] comme un lièvre" (c'est-à-dire aussi rapidement). Certains portiers du Royaume des Morts sont lagocéphales ( à tête de lièvre). 
 
Papyrus d'Ani du Livre des Morts, vers le XVe s. av. JC.

 
Quant au Chat-Soleil (Rê) qui terrasse le Serpent-Ténèbre (Apophis), il n'est pas anodin de remarquer qu'il a parfois des oreilles longues qui l'apparentent à un lièvre... 
 
Illustration du Livre des Morts sur la Tombe d'Inerkhaouy (XIIe s. av. JC)
 
 *** 

De manière plus prosaïque, le lièvre était chassé et sûrement consommé par les Egyptiens (d'où peut-être la présence de son hiéroglyphe dans le verbe "manger"). Il a aussi pu être sacrifié, comme en témoigne certaines représentations.
 
Tombe du scribe Nébamon (XIVe s. av. J.C.)

 
Bref, en un mot, le lièvre était polyvalent chez les Egyptiens ! 

1 commentaire:

  1. Ta conclusion résume bien ce que j'aurai pu mettre en commentaire, le lièvre est omniprésent dans l'Égypte Antique.

    RépondreSupprimer


Pour laisser un commentaire :
Choisissez dans l'onglet déroulant " Nom/url"
Une fenêtre "Modifier le profil" va s'ouvrir.
Entrez votre pseudo, laissez la case url vide.
Vous n'avez plus qu'à me laisser votre petit message !