dimanche 17 juillet 2022

Le corbeau au naturel dans le monde antique

Nous avons évoqué les aspects mythologiques, magiques ou légendaires du corbeau dans le monde gréco-romain... Mais comment le voyait-on en tant qu'animal de tous les jours ? 
Voilà ce que nous dit Pline l'Ancien dans son Histoire Naturelle (Ier siècle) :
 
A propos de l'intelligence
"La noix est trop dure pour [le] bec [des corneilles] et en conséquence elles s'élèvent haut, et la laissent tomber sur les rochers ou sur les toits à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'elles puissent casser la coquille disjointe."
-> La malignité des corvidés était donc déjà reconnue
 
A propos des auspices :
"La corneille a un croassement babillard, qui est de mauvais augure; quelques-uns cependant le regardent comme favorable."
"La corneille est le plus défavorable pour les auspices au temps de la couvaison, c'est-à-dire après le solstice d'été"
 "Les corbeaux, dans les auspices, paraissent seuls comprendre ce qu'ils annoncent." (expression que se rapporte à la capacité de ses oiseaux à moduler leur voix en fonction du message transmis).
"Lorsque les hôtes de Médias furent mis à mort, les corbeaux s'envolèrent tous du Péloponnèse et de l'Attique. Ils sont du plus mauvais augure quand ils gloussent comme si on les étranglait
 
Le Livre des proprietes des choses de Bartholomaeus Anglicus (XIVe s.)

A propos des modes de vie
"On observe que depuis le lever d'Arcturus [l'étoile polaire, donc en Hiver] jusqu'à l'arrivée des hirondelles on ne [voit la corneille] que rarement dans les bols sacrés et les temples de Minerve, et pas du tout en certains lieux, par exemple à Athènes."
Ce qui signifie qu'elle migre ou qu'elle ne mange pas dans les mangeoires... Mais on peut aussi relier cette anecdote à la légende de la corneille répudiée par Minerve. 
 
La corneille "est le seul oiseau qui donne à manger à ses petits pendant quelque temps après qu'ils ont commencé à voler. Tous les autres oiseaux de cette espèce expulsent du nid leurs petits et les forcent à voler, même les corbeaux, qui, bien que ne se nourrissant pas exclusivement de chair, n'en exilent pas moins d'un rayon étendu leurs petits, devenus adultes." 
"Les corbeaux engendrent avant le solstice d'été; ils sont malades soixante jours, surtout de la soif avant la maturité des figues d'automne. A cette époque, la corneille tombe malade."
On retrouve le motif des figues que nous avions vu dans le mythe de la constellation du corbeau !
 
Bestiaire du XIIIe s.

 
 
A propos de croyances populaires
 "Les corbeaux ont au plus cinq petits; le vulgaire pense qu'ils s'accouplent et pondent par le bec ; qu'aussi une femme enceinte qui vient à manger un œuf à corbeau rend son fruit par la bouche, et qu'il suffit qu'on en porte dans la maison pour que l'accouchement soit laborieux."
 
Le corbeau a aussi pu être utilisé pour la chasse : "Craterus, surnommé Monoceros  [...] chassait à l'aide de corbeaux. Il les portait dans les forêts, perchés sur les aigrettes de son casque et sur ses épaules; les corbeaux cherchaient le gibier, et le faisaient lever; l'habitude en était tellement prise, que dans ses parties de chasse il était accompagné même par les corbeaux sauvages."

Quant au poète Hésiode, il utilise les corvidés pour établir une échelle de longévité : "La corneille babillarde vit neuf générations d'hommes florissants de jeunesse ; le cerf vit quatre fois plus que la corneille ; le corbeau vieillit pendant trois âges de cerf ; le phénix vit neuf âges du corbeau". 
 
Des anecdotes mentionnent aussi des corbeaux parlants qui avaient plu à l'empereur Auguste
"À Rome, après la victoire d’Actium, plusieurs Corbeaux furent présentés à Auguste et lui adressèrent cette phrase : Ave Cæsar, victor imperator ! (Salut à César, victorieux et empereur !) Auguste les acheta fort cher. Un pauvre cordonnier, alléché par la récompense, entreprit de dresser un Corbeau de la même manière, et, comme les progrès de son élève étaient lents, il répétait souvent d’un ton triste : J’ai perdu ma peine et ma dépense ! Enfin le Corbeau put articuler la phrase adulatrice, et le cordonnier alla se placer avec son oiseau sur le passage d’Auguste : mais, celui-ci ayant dit qu’il avait dans son palais assez de courtisans semblables, le Corbeau répéta la phrase qu’il avait tant de fois entendue : J’ai perdu ma peine et ma dépense ! Auguste se mit à rire et l’acheta plus cher que les autres"

3 commentaires:

  1. bel article, et c'est rigolo de lire l'échelle de longévité à partir des corvidés.

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  2. Toutes ces croyances de l'époque nous font sourire maintenant

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  3. Eh oui j'imagine qu'on passera nous-mêmes pour des sots d'ici quelques décennies (ou années...) XD

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