Le corbeau dans le Roman de Renart (1)

 Vous vous en souvenez certainement, j'aime beaucoup le Roman de Renart, une œuvre littéraire médiévale qui met en scène une société animale anthropomorphe. 

 Eh bien, Il y a deux corbeaux dans le Roman de Renart : Tie(r)celin, fils de Chanteclin et Rohart.

(source)

 Dans Tie(r)celin, on reconnaît deux mots "tiers" et "lin". Le tiercelin est, en effet, une étoffe composé de trois fils tissés. Quant à son père, Chanteclin, il faut savoir que "clin" (ou "clain") signifie "cri" en ancien français. En somme, ce corbeau s'appelle Chante-cri, ce qui en dit long sur sa voix non-mélodieuse. Il peut être mis en parallèle avec Chanteclair le coq, celui qui chante bien.

Le nom de Rohart est probablement une onomatopée du croassement. On peut aussi y voir les mots "ro" qui signifie "rauque" en ancien français, et "hart" qui désigne une corde de pendu en ancien français (on se rappelle que les corbeaux aiment tourner autour des gibets).

 

Nous allons survoler quelques épisodes dans lesquels interviennent ces deux corbeaux, ainsi que Brune la corneille. Chaque fois, je vous mettrai un lien vers un site qui donne le texte de l'épisode en question (avec en regard le texte en ancien français et sa traduction). 

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* Le corbeau se trouve parmi l'assemblé dans un épisode où Renart est condamné à la pendaison. 

De même, à une reprise, la corneille intervient lors d'un jugement pour demander que le roi Noble le Lion le condamne. Ce à quoi le Roi répond : "Vous avez tort, à vouloir juger Renart ainsi, vous pourriez bien avoir à manger un tel os". On peut interpréter cette phrase en deux sens : la corneille veut que Renart soit condamné car elle veut manger sa carcasse... Ou "l'os" auquel se réfère le roi évoque une punition aussi difficile à avaler qu'un vieil os. Dans tous les cas, il y a probablement un jeu de mot avec la nature nécrophage des corvidés.

Sur cette illustration représentant la cour du roi Noble,
on voit un corbeau en bas à droite
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*On le retrouve dans le célèbre épisode du "Vol du fromage" (clic ici et ici). Vous le connaissez tous car il a été largement popularisé par une fable de La Fontaine.

 

Manuscrit du XIVe s. (source)

 Il y a cependant une légère différence : ici, non seulement Renart veut manger le fromage, mais il veut aussi manger le corbeau. Ainsi, quand Tiecelin chante pour montrer sa belle voix au goupil, celui-ci ne touche pas au fromage tombé de son bec. Il feint le dégoût : "Ce fromage pue trop fort, il empeste tellement qu'il va me tuer. [...] Ah ! Tiécelin, descendez donc et débarrassez-moi de ce mal." Le corbeau se laisse prendre par cette ruse et plonge pour récupérer son bien... Il échappe de justesse aux dents de Renart qui lui arrache quelques plumes au passage. Par la suite, Tiecelin va porter plainte contre Renart pour ce vol et cette blessure. 

 

Tiecelin et Renart sur la Tapisserie de Bayeux (XIe s.)

 

*En outre, durant la guerre, Tiecelin combat aux côté du roi Noble le Lion.